Quand la vie est trop courte pour râler ou s'acheter des fleurs demain, j'invite le lecteur à s'émerveiller des petites choses. Dans les sillons creusés par l'inattendu ou le hasard, je sème les graines d'un regard humain, parfois mordant, et compose régulièrement un bouquet de rencontres ou d'échanges piquants, insolites, simples.

mercredi

la seule certitude que j'ai, c'est d'être dans le doute


Christian Gonon
photo © Cosimo Mirco Magliocca

J’ai failli perdre un œil à regarder les croûtes suspendues dans le hall du Centre culturel de Bergerac puis le second à la lecture du tract exposant brièvement le pourquoi du comment du spectacle que je m'apprêtais à voir. La feuille rédigée et photocopiée à la va-vite augurait mal de l’accueil réservé aux sociétaires de la Comédie-Française. Quelques fautes de frappe, une faute de français çà et là : un joli en-cas distribué aux 500 personnes venues (re)découvrir la plume grinçante et jubilatoire de Pierre Desproges. Une fois oublié ces deux accidents oculaires municipaux, je pouvais consommer sans modération la mise en scène d’Alain Lenglet et Marc Fayet.

Habillé de drolatiques effets sonores rappelant le maître Desproges, La Seule certitude que j'ai, c'est d'être dans le doute se promène de théâtre en théâtre, vilipende le football, les enfants, le racisme ordinaire d’un chauffeur de taxi, raconte l’irrésistible rencontre entre le Petit Prince et la Vénus de Milo, évoque le crabe qui aura sa peau. Insolent, élégant, Christian Gonon charme pour mieux déglinguer dans une mise en scène sobre mais enlevée. A voir absolument !



Extrait : «Un critique de films, dont je tairai le nom afin qu'il n'émerge point du légitime anonymat où le maintient son indigence, écrivait dans un hebdomadaire dans lequel, de crainte qu'ils n'y pourrissent, je n'enfermerais pas mes harengs, un critique de films, disais-je donc avant de m'ensabler dans les méandres sournois de mes aigreurs égarées entre deux virgules si éloignées du début de ma phrase que voilà-t-il pas que je ne sais plus de quoi je cause, un critique de films écrivait récemment, à propos je crois d'un film de Claude Zidi, deux points ouvrez les guillemets avec des pincettes :
" C'est un film qui n'a pas d'autre ambition que celle de nous faire rire. "
Je dis merci.
(…)
Mais qui es-tu, zéro flapi, pour te permettre de penser que le labeur du clown se fait sans la sueur de l'homme? Qui t'autorise à croire que l'humoriste est sans orgueil? Mais elle est immense, mon cher, la prétention de faire rire. Un film, un livre, une pièce, un dessin qui cherchent à donner de la joie (à vendre de la joie, faut pas déconner), ça se prépare, ça se découpe, ça se polit. Une œuvre pour de rire, ça se tourne, comme un fauteuil d'ébéniste, ou comme un compliment, je ne sais pas si tu vois ce que je veux dire avec ce trou béant dans ta boîte crânienne... Molière, qui fait toujours rire le troisième âge, a transpiré à en mourir. Chaplin a sué. Guitry s'est défoncé. Woody Allen et Mel Brooks sont fatigués, souvent, pour avoir eu, vingt heures par jour, la prétention de nous faire rire. Claude Zidi s'emmerde et parfois se décourage et s'épuise et continue, et c'est souvent terrible, car il arrive que ses films ne fassent rire que lui et deux charlots sur trois. Mais il faut plus d'ambition, d'idées et de travail pour accoucher des "Ripoux" que pour avorter de films fœtus à la Duras et autres déliquescences placentaires où le cinéphile lacanien rejoint le handicapé mental dans un même élan d'idolâtrie pour tout ce qui ressemble de près ou de loin à de la merde.
Pauvre petit censeur de joie, tu sais ce qu'il te dit monsieur Hulot?»

(extrait de Chroniques de la haine ordinaire, éd. Le Seuil)


Site consacré à Pierre Desproges : http://www.desproges.fr/
★★★ « A mort le foot ! » : Pour écouter la voix de son maître, cliquez ici ou lire ce morceau d'anthologie, cliquez là.

Quelques dates près de chez vous : Aubagne (23 février), Auch (Centre Cuzin le 28 février), Tarbes (Théâtre des Nouveautés, le 1er mars), Narbonne (au Théâtre Scène Nationale, le 2 mars), Sèvres (le Sel, le 11 mars), Aubergenville (la Nacelle, le 13 mars), Alès (le Cratère, les 15 et 16 mars),
Alençon (Théâtre, le 26 mars), Saint-Amand-Montrond (la Cité de l’Or, le 27 mars), Asnières-sur-Seine (Théâtre Armande Béjart, le 31 mars), Cannes (Théâtre Alexandre III, le 3 avril), Le Cap d’Agde (Palais des Congrès, le 7 avril), Guidel (l’Estran, le 9 avril), Boulogne-Billancourt (TOP, les 14, 15 et 16 avril), Châteauroux (Equinoxe Scène Nationale, le 20 avril), Limoges (Théâtre de l’Union, les 23 et 24 avril 2010), Albi (Scène Nationale, le 27 avril), Lattes (Théâtre Jacques Cœur le 30 avril), Paris (Théâtre du Vieux-Colombier où le spectacle fut créé en 2008, du 5 au 19 mai 2010), (liste non exhaustive) …
Réservez vos place * !



* J'ai malencontreusement omis l's afin de démontrer que je sais également faire des fautes. J'en profite par la même occasion pour m'excuser auprès des auteurs des croûtes susmentionnées. Dieu** leur rende grâces d'avoir inspiré ma minute misanthrope.

** Remplacer par l'Objet de culte de votre choix.


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11 commentaires:

  1. merci desfraises... dommage qu'il ne vienne pas jouer à Bourg-end-Bresse, j'aurais rejoint Clément-Fils pour le voir avec lui ;)
    je réserve pour le Vieux-Colombier !

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  2. Z'ont pas prévu Nouméa :-C

    Quant à l'objet culte, celui que tu cites vient déjà de me donner la nausée, alors je vais m'abstenir ;-)))

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  3. dis donc Fraise tu nous la joue très intello en ce moment ???
    mais c'est bien...avec toi çà change tout le temps...

    gros bisous Laurent

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  4. "avorter de films fœtus à la Duras et autres déliquescences placentaires": exactement ce que je pense d'un certain cinéma français.
    Desproges nous manque. J'en connais un aujourd'hui qui en prendrait pour son grade...

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  5. Humm, le Cap d'Agde, 7 avril. C'est noté ! Merci à toi.
    Sinon on peut se rattrapper sur Lattes, 30 avril. Dis donc, ce sont les seuls endroits sans lien hypertexte ! Qu'est-ce que c'est que cette discrimination anti-Héraultaise ?

    ;-)

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  6. J'ai envie de retourner au théatre. Je n'y suis pas allée depuis la prestation de Birkin et Biyouna à Nanterre, ça date....

    Voilà une bonne occasion de faire un agréable effort.

    Tu sais communiquer ton enthousiasme. Tu es mon José Artur à moi :)

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  7. Sympa comme billet ! merci à Olivier notre découvre-heure ...

    au plaisir !

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  8. Jooles : Manon ? Tu manques !

    tilly : J’appelle Muriel M de la Comédie-Française pour ma commission et toi, le Petit-Journal de Saint-Michel pour les tiennes, de commissions.
    Tu me raconteras ?

    Eric : Dommage. En revanche, j’ai jeté un œil au site du Théâtre de l’Ile à Nouméa. A vue de nez, y a quelques pépites. Tu m’inviterais voir JE VEUX QU’ON ME PARLE de Louis Calaferte, que je ne dirais pas non (clique ici).

    Nanoub973 : J’ai chaussé mes lunettes d’intello. Ceci explique cela. Bises intellectuelles.

    deef : Je ne sais pas pourquoi mais je crois savoir à qui tu fais allusion. Je me suis empressé d’aller à la médiathèque pour y emprunter des Réquisitoires de Desproges : « qui est Gilbert Trigano, mesdames et messieurs les jurés, que savons-nous vraiment de l’inventeur des parcs à ploucs ? » J’ai hâte d’écouter celui consacré à Dorothée, Dorothée qui a bercé mon enfance (d’où mon neurone passablement déliquescent que j’évoquais dans un commentaire précédent). Mais je m’égare.

    Lancelot : Pourquoi ? Certains (et de nombreux) lieux dédiés aux arts vivants ont pondu des sites laissant franchement à désirer. Ou quand ils n'ont pas de sites, ils confient leur com' aux offices de tourisme (au secours!) Mais puisque tu insistes, voici le lien du Cap d’Agde. Chercher culture à « sortir » après restaurants, bars et glaciers, cinéma, casino, night-clubs et enfin, agenda, ouf !
    Tu me raconteras ?

    Océane : Et oui, aller au théâtre, c’est encore un effort. Mais quand la magie opère…
    Alors, tu as vu ? Tu as l’embarras du choix en région parisienne.
    Tu me raconteras ?

    Servanne : Merci. Au plaisir de te lire ici ou là.

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  9. Je sais je suis le fil RSS du blog du TDI. J'ai vu samedi soir "Confidences à Allah". J'en ai encore des frissons rien qu'un y pensant. Un des prochains spectacles prévus est Masterclass avec Marie Laforêt.
    Tu viens quand tu veux Laurent, nous avons une chambre d'amis et serons ravis de t'accueillir et de t'inviter au théâtre. Mais pour le reste, sache que ça coûte juste un rein et deux fois 10 heures de décalage horaire et que donc il vaut mieux venir au moins trois semaines pour en profiter au mieux. Si tu aimes la plongée, tu seras servi.

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  10. Eric : Oui, ils ont l'air d'avoir une sacrément bonne programmation. Merci pour l'invitation, dans les voyages "au bout du monde", j'ai récemment donné. Priorités : trouver un boulot, gagner des sous, me remplumer, payer mes dettes, etc. etc. etc. etc. En attendant, je te lis avec un plaisir non dissimulé et le recommande chaudement à qui se promène par ici : http://queerasfist.com/

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