Quand la vie est trop courte pour râler ou s'acheter des fleurs demain, j'invite le lecteur à s'émerveiller des petites choses. Dans les sillons creusés par l'inattendu ou le hasard, je sème les graines d'un regard humain, parfois mordant, et compose régulièrement un bouquet de rencontres ou d'échanges piquants, insolites, simples.

samedi

Des pigeons et des hommes


Comment, aujourd'hui, supporter un travail qui exige que l'on laisse au vestiaire l'humain ? L'affect, l'intime, le  moi, sont de vaines choses qu'on doit au mieux taire, sinon nier. Au travail. Les drames qui ont émaillé l'actualité ces dernières années donnent un piètre constat du monde du travail tel qu'il va, des méthodes managériales qui ne broient pas seulement du papier. La femme, l'homme, sont tour à tour des boîtes de conserve, des pantins, des kleenex essuyant le succès, les marges brutes d'autofinancement, la crise. L'humain, quantité négligeable.

Comment supporter sinon par le rire ? Se moquer des travers, des absurdités, des monstres à plusieurs têtes qu'enfante dieu Efficacité, nourri par nos ambitions, nos craintes muées en peurs, nos besoins de consommer. Se moquer. Et réfléchir, peut-être.

Le rire. Et le théâtre.
L'ironie mordante de l'auteure de théâtre Léonore Confino. La mise en scène efficace de Catherine Schaub. Au Théâtre Mouffetard, à Paris. C'est Building. Un building aussi gris qu'impersonnel. Un décor carré, mouvant, cadre parfait pour la comédie performante Building. Où se débattent les employés de Consulting Conseil, entreprise qui conseille les conseillers.

Cinq comédiens incarnent hôtesses potiches, comptables tiraillées entre l'empathie et la rancœur, cadres brainstormant ou jouant un simili-paintball aussi musclé que jubilatoire, agents d'entretien priés de tenir le rythme, président empathique ou paumé tel l'enfant qu'il fut autrefois. 30 personnages qui se croisent, se frottent aux absurdités de leur tâche, s'insultent ou se confient, imperceptiblement. A travers une faille où perce le rêve d'un autre travail, d'une autre vie. Au rythme des pigeons qui s'écrasent sur leurs baies vitrées.

Une journée de boulot somme toute banale. Millimétrée. Qui déraille.

C'est drôle, c'est brutal.

Notez le nom de Léonore Confino. J'ai eu la chance de lire une autre de ses pièces, bientôt produite, j'en mets ma main à couper, dans un grand et prestigieux théâtre parisien. Puis en province, évidemment. Où a été créé Building. A Poissy. Une auteure à qui je prédis de belles affiches. Tant son écriture est moderne, pétulante, inventive, singulière. Et tellement drôle.

Courez-voir Building au Théâtre Mouffetard. Ça se joue jusqu'au 30 juin, du mercredi au samedi à 20h30, le dimanche à 15h (relâches 27 mai et 29 juin).


*invitations* 
Vous êtes parisien ou voisin, libre un mercredi ou un jeudi, curieux, chanceux ? Envoyez-moi par mail, vos noms, prénoms et mercredi ou jeudi de votre choix. Une main innocente et pure sélectionnera les heureux élus (invitations pour deux, amoureux ou ex, collègues ou ex, voisins ou ex), futurs spectateurs de Building.

*prix d'ami*
Mon stock de gentilles invitations étant presque tari, je vous ai dégoté des places à tarif réduit, 12€ le soir de votre choix. Comment ? Envoyez-moi un mot doux.

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BUILDING

une pièce de Léonore Confino
mise en scène Catherine Schaub
avec Bruno Cadillon, Léonore Confino, Olivier Faliez, Yann de Monterno, Miren Pradier
création musicale R. Jéricho et Aldo Gilbert - chorégraphies Magali B. - scénographie Sophie Jacob - lumières Vincent Grisoni et Marc Gingold - costumes Julia Allègre
--> Le site des Productions du Sillon

se jouera (peut-être près de chez vous) :
- le 9 novembre à Franconville

13 commentaires:

  1. Bonjour
    Ton post m'a fait sourire parce que ce mal être dont tu parles, je le vis quotidiennement dans mon boulot...
    C'est dommage que je n'habite pas Paris, parce que j'aurais bien été voir cette pièce.

    Bisous

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  2. En tous cas Laurent tu donne t'aiment enve d'aller voir la pièce ! Je crois que je vais y aller rapidement du coup ! Merci à toi.

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    1. Si tu y vas, n'oublie pas de me tweeter ton retour !

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  3. Le billet est alléchant... Sais-tu si le spectacle fera l'objet d'une tournée ?

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  4. ---
    Vu que votre 'culturelle' générosité, Laurent, (qui ne s'arrête pas là d'ailleurs je gage) m'a permis de voir la pièce, ainsi que dis en 'Tweet' je réitère :
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    Etonnante mise en scène, bel agencement des volumes et de l'espace scénique, amusant divertissement par un petit côté 'comédie musiquée' (car non musicale) dans un sujet pertinent, tellement grinçant, devenant aliénant à mesure qu'avance le jeu comme une mayonnaise qui monte, monte...
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    Le mental exacerbé finit par éclater comme les pigeons s'écrabouillent contre les vitres du building où officient des employés n'ayant plus que le sens de la préservation du revenu dans le non-sens de l'emploi... Eclatés qu'ils sont tous dans le jeu pervers et écervelant du 'rôle' à tenir pour ne pas démériter entre concurrence et obédience...
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    Haletant dirais-je aussi le jeu "des rôles" permutés sans cesse, et avec brio... Décoiffant encore les dialogues, tellement proches de ce réel au quotidien se déroulant (se défoulant ?) dans les étages des ministères, des entreprises, des bureaux, des hiérarchies où l'on n'en finit pas de n'en pas finir de mourir à force de tenter y survivre...
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    Pièce née d'un 'mal aux pieds' comme le dit l'auteure, elle tombe la cravate avant le pantalon dans le harcèlement de toute espèce dont font l'objet les 'employés', tant masculins que féminins, tenus au protocole de mal-séance bienpensante (ou l'inverse ?) pour sauvegarder dans l'irraisonné l'irraisonnable d'une vie professionnelle où l'existence de l'être, tel qu'en lui-même, n'a plus ni place ni trace...
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    Chez 'Consulting Conseil' il n'est pas de bon ton de parler de soi... D'ailleurs, "Soi", ici, c'est qui ?...
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    Encore un très grand merci Laurent, d'avoir pu échapper quelques heures à un quotidien qui, comme le dénonce bien "Building", prend de plus en plus la vie humaine en otage...
    A tous les étages !... :)
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    Bien à vous,
    RED_BAKKARA
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    1. Merci d'avoir pris le temps d'écrire cette jolie critique détaillée dans la critique.

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    2. ---
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      Mais avec grand plaisir Laurent !
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      Si besoin était encore (ne fût-ce que pour convaincre) d'illustrer l'urgente nécessité à faire valoir et diffuser ce type de spectacle voici un article édifiant donnant la mesure exacte de sa pertinence :
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      "Le suicide de notre collègue renvoie chacun à son propre malaise" : http://www.lexpress.fr/emploi-carriere/emploi/le-suicide-de-notre-collegue-renvoie-chacun-a-son-propre-malaise_1104176.html#xtor=AL-858
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      Bien cordialement vôtre,
      R_B
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  5. T'oublie pas mes places hein ??? tu me dit quand...bisous

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    1. Non, je ne t'oublie pas. En revanche, tu as oublié de me dire la date qui te convenait :p

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  6. C'est tentant mais j'ai un mois de juin super chargé... Merci à toi...

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  7. Je viens te dire merci Laurent, j'ai adoré, c'est une pièce unique et forte (j'ai la critique courte), j'ai accompagné Fiso et nous avons passé une magnifique soirée grâce à toi.

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