Quand la vie est trop courte pour râler ou s'acheter des fleurs demain, j'invite le lecteur à s'émerveiller des petites choses. Dans les sillons creusés par l'inattendu ou le hasard, je sème les graines d'un regard humain, parfois mordant, et compose régulièrement un bouquet de rencontres ou d'échanges piquants, insolites, simples.

mardi

La bétadine, la dame aux deux ou trois dents en or ou simili et moi


J'ai déjà raconté comment je claquais le beignet des malotrus causant (très) fort dans leur téléphone, dans le bus, dans le métro, au risque, au mieux, de me faire envoyer sur les roses, au pire, de me faire refaire le portrait. Mais merde quoi. Souvent, je récolte de vagues excuses et la fin de la conversation téléphonique, et souvent, aussi, l'approbation des passagers n'osant pas, ou faisant comme si beugler sa vie privée au nez et la barbe des voisins allait de soi, ou pensant (à raison, hélas) qu'il ne servait à rien de s'opposer ou même de dire simplement les choses.

La plupart du temps, je rentre dans le rang, je laisse couler, ou je dis, et je pisse dans un violon.

Ce soir, dans le bus 68 me conduisant à Denfert-Rochereau, je lis sur mon téléphone les échanges de trois de mes amis qui causent piercing ; l'un raconte avec force détails l'anneau qu'il vient de se faire accrocher au bout de son. L'autre nous décrit le sublime coucher de soleil sur la montagne, vu depuis la fenêtre de sa salle de bain. Entre la bétadine et la couleur parme des nuages, j'ai choisi mon camp.

Bref.

Une dame, la soixantaine, traîne son caddie et s'assied à côté. Son portable sonne. Elle décroche. Et parle fort, très fort. Je ne peux m'empêcher une réaction épidermique. Je me penche et lui envoie un bon gros "chut". "CHUT !" Visiblement, je la dérange. Elle m'envoie promener d'un geste qui ne souffre aucune discussion. Et elle poursuit son appel. Au terme duquel elle finit par me marmonner des excuses. Vous comprenez, on m'appelle du Maroc, blablabla. Je lance un sourire signifiant "c'est pas grave." Je coupe court à ce qui s'annonçait être un semblant d'échange. Durant le trajet, elle me glisse des oeillades coupables. Je m'en veux d'avoir été tranchant. Le bus s'arrête pour moi. Je vais vers elle. Lui pose une main amie sur le bras, et je lui explique ma réaction épidermique. Vous savez, l'habitude, les gens qui, etc. Je n'ai rien contre vous, excusez-moi. Je n'ai pas lâché son bras. Elle m'accorde un sourire qui brille de ses deux ou trois dents en or ou simili. C'est un beau sourire méditerranéen, chaleureux. "Je n'ai rien contre personne," me dit-elle.

Au feu tricolore, le bus est à l'arrêt. Sur le trottoir, je déploie ma trottinette, y pose un pied alerte. Je scrute le coin de bus où trône ma voisine volubile. Elle me fait un coucou. Et reprend son chemin.







2 commentaires:

  1. Uhhh, j'adore ces moments de "petite vexation positive" contrariant le fantasme de perfection, au-delà du beau.

    Hi hi hi, c'est que c'est début du Ramadan... les coups de fil du Bled se multiplient, à la grande joie des interlocuteurs... ou pas!

    Bon Ramadan aux Musulmans, et youpi, miam, c'est la saison des pâtisseries omniprésentes!

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  2. Trop forte cette dame : un sourire, quelques œillades et tu acceptes de partager sa sphère privée. Voire intime, tu ne lâches plus son bras... On sous estime toujours le pouvoir d'un regard :)

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