Quand la vie est trop courte pour râler ou s'acheter des fleurs demain, j'invite le lecteur à s'émerveiller des petites choses. Dans les sillons creusés par l'inattendu ou le hasard, je sème les graines d'un regard humain, parfois mordant, et compose régulièrement un bouquet de rencontres ou d'échanges piquants, insolites, simples.

mardi

La tête dans le tambour du sèche-linge et autres étourderies


La tête dans le tambour du sèche-linge.

Un sourire niais aux lèvres – malgré une journée chargée en étourderies (lien) – je chemine vers mon métro. Et m’aperçois à mi-chemin que j’ai pris la mauvaise direction. Au diable le trajet direct, je passe le seuil d’une gare RER que d’habitude j’évite soigneusement. Le cœur léger – car invité à casser la croûte et entrechoquer le verre de l’amitié vers Stalingrad – je passe taper la bise platonique au guichetier. Lui demande un étui plastifié neuf pour ma carte de transport qui me tombe régulièrement des mains. Sur le quai je procède à l’échange. Main gauche le vieil étui transparent, main droite le nouvel étui dans lequel je glisse le sésame me permettant de parcourir Paris en long en large et en travers.

Ellipse (le RER c’est glauque alors j’écourte le récit du trajet).

Parvenu aux portillons sis Gare du Nord, je sors de ma poche de pantalon l’auguste carte de transport. Et réalise que l’étui en main n’est autre que la vieille chose plastifiée (vide) que j’avais prétendument jetée une demi-heure plus tôt. Horreur et putréfaction. Que faire ? Revenir sur mes pas et fouiller les poubelles du quai du RER à Denfert-Rochereau et repousser d’une heure l’apéro auquel j’étais convié. Ou poursuivre ma route et aviser plus tard. Je pratique alors une respiration ventrale gaudichonne, de (presque) celle que pratiquent les tortues tricentenaires ou les alligators. Je me traite des noms d’oiseaux que mes connexions neuronales fatiguées parviennent à extirper d’un tréfonds d’intelligence. Echo écho écho. J'imagine déjà ma prochaine matinée de repos : faire le pied de grue en une station RATP (lien), payer ma connerie à raison de deux ou trois carnets de tickets, etc. etc. Et tandis que je me rends chez B., j’élabore des scénarios aussi débiles qu’inutiles. Je manque me faire renverser par un scooter ayant eu la lubie de passer au feu vert. Grand fou !

Respire, couillon !, me dis-je. Apprécie la gentillesse de tes hôtes qui t’offrent champagne et petits fours ! Blablabla. Ma cervelle résonne des glouglous d’un monologue intérieur me bourrant le mou plus que me raisonnant.

B. m’a envoyé un roman me permettant d’arriver jusqu’à elle et son homme. Passer l'auriculaire dans le coin gauche de la grille d'entrée en prononçant la formule magique "coucou la voilà". Digicode. Pousser la porte verte et l'escarpolette. Longer le jardin jusqu'à la fourche et accéder à l’escalier 33. Non sans piétiner un enfant ou deux qui auront eu la folie de croiser mon chemin.

- Allô ? Je ne trouve pas ton nom dans le système. (…) Oui oui. Euh. Non, on m’a ouvert le portail. La concierge ? Non. (…) Suis au niveau du Franprix. Hein ? (…) Mais si ! Suis au numéro 55. (…) Fais-moi signe du 7e étage.
- Et là, tu me vois ?
- Ah, euh. Je vois une dame accoudée à sa fenêtre du 7e étage mais ça n’est pas toi. Pffff.
- Je descends te chercher.

Vérifiant enfin mes bouts de papier cornés, je réalise que je ne suis pas dans la bonne rue. Mais à 500 mètres. Non mais quel crétin je fais ! Andouille, panouille, cornichon ratatiné.

Ellipse. Champagne et sirop de violette Combier (distillé à Saumur) et petits fours. Chat habillant mon pull noir de ses poils blancs. Bavardages, rires et décontraction.

23h. La poubelle du quai direction Mitry à Denfert Rochereau attend le poignet qui a gaffé 4 heures plus tôt. Les voyageurs – les braves – s’agglutinent dans le RER les portant vers d’autres contrées pour me laisser plonger une main gantée d’un sac plastique Monop’ dans une poubelle gluante de détritus. Longue minute de solitude où je tâte l’inconnu, des gluons d’objets non identifiés. Rien. Rien. Et puis… victoire ! Une carte ornée de ma pomme maculée de… ketchup ? Peu importe, je l’emporte. Et j’efface l’ardoise magique que j’avais noircie de mes funestes plans.

Le cœur léger, je parcours la rue Daguerre et j’imagine tous les malheurs auxquels je peux couper l’ubuesque tête pensante en :

- faisant mine de perdre mon portefeuille
- paniquant à l’idée morbide de mon père succombant à une hémorragie interne
- ajoutant un zéro à la somme due au fisc
- etc.

et trouvant la parade une minute, une heure, une journée plus tard :

- le portefeuille s’était caché dans le bac à légumes
- l’équipe de blouses blanches avait annoncé à mon père sa dernière heure mais… un autre hôpital à 1 heure d’hélicoptère devait contredire le premier diagnostic (c'est arrivé fin mai)
- la calculatrice secouée énergiquement crache le zéro de trop (mais pas les sous, crotte !)
- etc.

 

20 commentaires:

  1. J'ai cru que ton sèche-linge avait explosé...
    Bon ce n'est pas si grave, ton étourderie n'a pas duré !
    Bonne soirée... Ne bouge plus ;-)

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  2. " encore heureux
    qu'il ai fait beau
    et qu'là Marie josephe
    fût un beau bateau......

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  3. AHAHAHAHA là je lâche le gros rire et je suis SÛRE que si j'habitais Paris, ça me serait arrivé 20 fois le coup, moi qui fous toujours la cuillère à la poubelle et le yaourt dans l'évier... (et merci pour le "gluons", j'ai le générique de Téléchat dans la pigne ;))

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  4. Oh la chance, tu as le cul bordé de nouilles au final ;) Mais ça aurait tellement pu m'arriver que je ne rigole pas, pour la carte et pour l'adresse !

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  5. :)))))))))))))))))) trop de bol quand même! j'aurais aimé voir la tête des gens qui t'ont regardé faire la poubelle!!!

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  6. En fait "le boulet qui sommeillait en [toi]" ne sommeille pas tant que ça : il est bien éveillé^^

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  7. Nicolas : Pour le moment, oui. Rien à signaler…
    MHF : Merci. J’ai bougé et aucune catastrophe ne s’est produite. Dans mon entourage en tout cas.
    Bout’Fil : Pas écouté les Frères Jacques depuis…
    Zette : Oui pour les gluons je me suis dit qu’il y aurait bien une lectrice ou un lecteur pour comprendre la référence.
    Kielut : = l’état de dessèchement de mon cervelet.
    Carole : Ah oui, j’ai tout fait dans la même journée, le frigo et tout et tout. Mais en fouillant les poubelles j’ai conjuré le sort. Ouf.
    Tarmine : Tu sais, à Paris, c’est une activité (hélas) largement répandue. Mais je n’en menais pas large. Je me répétais : « Laurent, personne ici ne te connaît ! »
    Deef : Tu as tout compris. Mais pour le moment, il me fout une paix royale. Ouf.

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  8. J'imagine difficilement l'immense abnégation dont il faut être capable pour, sous les yeux ébahis des téléspectateurs, plonger sa main puis tout son bras au fond de la poubelle d'une station de métro et remuer l'amalgame visqueux afin d'y retrouver sa carte de transport...

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  9. J'ai comme l'impression que j'aurais pu être à ta place... mais je n'aurais pas eu le cran d'y retourner seule je pense. J'aurais pris un cobaye avec moi, pour me donner contenance en lui expliquant (à grands renforts d'éclats de rire contrefaits (encore plus maladroits que contrefaits d'ailleurs) que oui, oui, oui, j'ai perdu ma carte de transport là-dedans, c'est un comble etc.
    Ecrire un roman pour une adresse. C'est juste sublime. La phrase, et l'idée également :)

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  10. Tambour Major : C'est vrai. J'oubliais les caméras.
    Chouyo : Le rire maladroit peut réparer un acte maladroit. L'inverse est plus compliqué. Quoique...

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  11. tu n'as pas de chance... si tu vais fait cela devant moi la veille de Noel je t'aurais donné 10 euros...

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  12. Quel sang froid pour fouiller cette poubelle ? Un peu suicidaire non ?

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  13. Comme dirait ma grand mère, des conneries tout le monde en fait, l' important c' est de les réparer!

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  14. Francis : Tu es généreux. La RATP permet (gratuitement) d'égarer une carte d'abonnement. Mais une fois seulement. Après, il faut avoir quelques heures à perdre. Et comme le temps, c'est aussi de l'argent, au final, ça finit par coûter bonbon. Donc oui, j'accepte ton don.
    Poussin : Je n'avais pas réfléchi au versant analytique de la chose.
    Orfeenix : Quand on le peut.

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  15. bonjour Monsieur, c'est pour une enquête; En vrai, vous venez de quelle planète ?

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  16. Piel : Je trouve aussi :-)
    PascalR : J'sais pas. J'pensais que vous le saviez. Pourriez-vous mais clé raie ?

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  17. "Champagne et p'tits fours" ??

    Eh bah mon gars, c'est qu'elle t'aime bien B...

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