Quand la vie est trop courte pour râler ou s'acheter des fleurs demain, j'invite le lecteur à s'émerveiller des petites choses. Dans les sillons creusés par l'inattendu ou le hasard, je sème les graines d'un regard humain, parfois mordant, et compose régulièrement un bouquet de rencontres ou d'échanges piquants, insolites, simples.

vendredi

L'Administration française et les Shadoks



Chère Madame l'Administration française,

Tu t’étonnes du désamour manifesté à ton encontre par tes indociles citoyens ? Laisse-moi te donner un tout petit exemple du pourquoi et du comment. Puis un conseil.

Figure-toi que je m’ennuyais. Alors, plutôt que de me détendre en lisant un roman ou bien en allant au cinéma - c’est mon jour de repos acquis de longue haleine -, j’ai décidé de prendre à bras-le-corps ma pile de paperasse, de l’étreindre, de la zigouiller par le traitement et l’archivage.

Entre deux tranches de saucisson pain-beurre, j’achève de remplir le formulaire cerfa n°12100*02 remis par les mimines d’une de tes administrées qui s’est occupée avec talent de mon passeport cet été. Je photocopie, je griffonne, je signe. Au passage, je bâille aux corneilles, m’émerveillant devant la signature de mon papa qui a déclaré ma venue au monde pré-Web2.0 le lendemain de ma naissance auprès de vos services il y a... quelques lunes de cela. Je vérifie la complétude de mon dossier. Je n’ai pas oublié de prendre un rendez-vous via le site de la préfecture de police. Je sors de belle humeur, fier de couper la chique à ma tendance procrastinatrice. Le soleil brille, la dame crache de sa fenêtre rue Daguerre, un passant promène une tulipe fatiguée.

Le préposé de l’antenne de la préfecture en mairie du 14e arrondissement de Paris, pour ne pas le citer, m’accueille sans bonjour ni merde :
- Vous avez rendez-vous ?
- Oui.
- Tapez votre n° de téléphone sur la borne.
Je m’exécute, il attend. Puis il vérifie scrupuleusement l’état de mon dossier. Formulaire dûment renseigné, justificatif de domicile et sa jolie photocopie, extrait d’acte de naissance, passeport et sa jolie photocopie, puis les 2 photos qu’il scrute d’un œil professionnel, pour ne pas dire soviétique.
- Ah, elles ont été faites en 2011.
- Oui, et alors ?
- Alors le dossier est incomplet, il nous faut des photos récentes.
- Pouvez-vous m’expliquer pourquoi vos mêmes services ont accepté ces mêmes photos pour établir mon passeport cet été ?
Je prends le cliché et le superpose à mon visage affichant une expression un chouïa moins aimable et demande :
- Ça n’est pas ressemblant ?
- Si si.
Il sort alors le disque rayé de la procédure qui veut que, de c’est comme ça et c’est pas autrement blablabla, non sans s’accompagner de l’approbation grégaire de ses collègues.
- Si j’avais découpé les photos, vous n’auriez pas vu la date inscrite en caractères minuscules sur le papier photo ?
- Eh bien, je l’ai vue.
- Dites, vous connaissez Les Shadoks ?
- Oui. 
- Hmmm.

Je te dispense, chère Madame l'Administration française, de la suite de l’échange. Je te rassure, je ne l’ai pas insulté, je me suis fait violence. Je me suis violenté, d’ailleurs, au point de t’écrire et te soumettre une idée, oserais-je dire un conseil. Que dirais-tu de poser au pied du sapin de Noël de tes administrés le coffret DVD des Shadoks pour empêcher tes employés de pomper et/ou afin de saisir la portée philosophique pour ne pas dire poétique des Shadoks ?

Bisous.

Laurent

-----
P.S. Comme je n’avais pas d’autres chats à fouetter et que je suis de nature opiniâtre, j’ai visité une autre antenne de préfecture, ce même après-midi ensoleillé, pour soumettre mon dossier à la sagacité d’une préposée plus compréhensive. Ok, j’avoue, j’ai triché, j’ai découpé les photos, faisant disparaître la mention de la date. Pas folle, la guêpe.

6 commentaires:

  1. Trop vrai et trop chou !
    De toute façon la pièce d'identité va maintenant être valable pendant 20 ans ! ... Alors que la photo soit de l'année dernière, quand on fait la CNI ! ... :DDD
    C'est vrai que mes étudiants me mettent dans le trombinoscope, des photos d'eux en barbotteuse ! ...
    Néanmoins, j'en profite pour demander à Manuel Valls de changer ça : ne pourrait-on sourire normalement sur les photos d'identité ?
    Est-ce que faire la gueule sur une photo d'identité permet de mieux reconnaitre les gens, sauf quand ils sont morts ?
    :DDD
    P.S.
    T'es reviendu ou t'es toujours avec ton namoureux ?
    Plein de bisous

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Exiger une pièce d'identité d'un mort, voilà une idée pas encore caressée par nos édiles. Pas encore...

      Supprimer
  2. eh ! tu verrai la tronche qu'ils m'ont faite à la préfecture pour ma nouvelle carte d'identité et mon nouveau passeport ! je mets au défi n'importe quel douanier de me laisser passer avec ça en me reconnaissant !

    j'aime beaucoup ta lettre, tu devrai l'envoyer au ministre, ça le dériderai....

    BISOUS DU JOUR

    RépondreSupprimer
  3. Totalement fan comme de tous tes autres billets...et totalement vrai surtout ! :-) Laurent.

    RépondreSupprimer

Un commentaire, ce peut être un coucou, une amabilité, un point de vue divergent, un trait d'esprit, un signe de votre passage.

Pour celles et ceux qui n'osent pas (je ne mords pas) ou n'y parviennent pas, c'est tout simple :

1) Tapotez votre bonjour dans le formulaire de saisie ci-dessous
2) Sous Choisir une identité, cochez Nom/URL
3) Saisissez votre nom (ou pseudonyme ou si vous êtes timide le nom de votre cousine) après l'intitulé Nom
4) L'URL ne désigne pas l'Uto-Rhino-Laryngologie mais bien le lien d'un blog ou de n'importe quoi d'autre que vous jugerez bon d'accrocher à votre identité, la page Wikipedia de Sheila par exemple ; ou rien.
5) Cliquez sur Publier commentaire

Et le tour est joué. Elle est pas belle, la vie ?