Photo de George Chelebiev © Creative Commons - Flickr |
Je dis bonjour à la dame. Elle ne me répond pas. Ses courses s’entassent sur le tapis roulant. Je les saisis une à une, les passe au scanner, les range dans les sacs plastiques, saisis, passe, range, saisis, passe… J’en ai marre ! Tous les jours, c’est le même cirque. Assis sur un siège inconfortable, je rêve de mon lit. Du fond de la galerie marchande perce un rayon de soleil. Il y a de l’air, une infinité de possibles. Je pourrais siroter un café, bronzer dans mon jardin, lire, m’évader, une amie viendrait frapper à ma porte et nous pourrions…
Le temps de ce voyage, vingt-cinq clients sont passés, ont réglé leurs achats, sont partis, après un au revoir monsieur, madame ou mademoiselle prononcé machinalement. Dix clients à l’heure, pas terrible ça. Une présence bienveillante m’a tiré de ma rêverie. Une vieille dame que je vois depuis plusieurs semaines. Nous n’avons jamais discuté. Je l’ai prise pour une autre, une voisine. Aujourd’hui elle revient, elle fait la queue, je la regarde. Elle fuit mon regard. Je saisis ses articles, puis les ensache, lui dis bonjour, vous allez bien ? Elle me répond par un large sourire qui illumine son visage. Pourtant ce sourire a quelque chose de cassé. Une émotion dans ses yeux la trahit. Elle me tend une main tremblante. Au creux de cette main, une petite enveloppe blanche. Il s’agit peut-être d’un pourboire et je n’ai pas le droit. Je ne voudrais pas décevoir son élan généreux. Ses yeux sont baissés. J’accepte discrètement l’enveloppe et la dissimule sous mes chèques. Je ne peux pas l’ouvrir maintenant, je vais attendre. Je ne sais pas quoi lui dire. Nous nous sourions timidement.
Elle s’en va. Un sac plastique à chaque bras. Elle a les yeux rouges, se retourne. Arrivée au bout de l’allée, elle se retourne encore. Craint-elle que je n’ouvre pas ? Mes pensées la suivent, l’accompagnent dans son trajet en bus, lui portent ses courses dans l’escalier, entrent et découvrent son appartement, les portraits qui sont affichés, lui tiennent les mains, engagent une conversation à mots comptés. Il faut pourtant que je revienne à moi, et continue de travailler. Les clients se suivent et se ressemblent. Le mécontent, l’irascible, la marmaille, l’absent. Je brûle de savoir ce que contient l’enveloppe. Un petit quart d’heure et c’est ma pause.
J’ouvre. Et là, point de pourboire mais un billet écrit, une liste manuscrite : « le langage des fleurs », et au fond de l’enveloppe, une violette.
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2e épisode de ma trépidante vie de caissier il y a quelques lunes : Sourire. Bonjour. Au revoir. Merci.
Ssimplicité et pudeur. Des deux côtés de la caisse. Le sourire en plus. Encore une jolie hostoire. Une autre petit bonheur du quotidien. Le monde gagnerait à multiplier les Laurent.
RépondreSupprimerLes Laurent les Christine les prénoms de celles et ceux qui s'efforcent de voir ces petits suppléments d'âme. Merci pour ton passage par ici.
SupprimerTrop joli...merci
RépondreSupprimerRavi que l'histoire te plaise. Un deuxième épisode tout bientôt ^^
SupprimerAvec les caisses automatiques, on n'a plus ce genre de problème.
RépondreSupprimerTu peux choisir de passer à une "vraie" caisse tenue par un humain ^^
SupprimerJuste de la compassion pour le prolétariat des services. Les machines n'ont pas de TMS.
SupprimerJ'ignorais ce terme de TMS. Wikipédia m'a renseigné :) J'ai heureusement échappé à ce type de troubles.
SupprimerEncore merci. Encore un métier de service, et ce n'est pas par hasard. Il faudra bien des Laurents pour compenser les quotidiens froids et mécaniques. Bip !
RépondreSupprimerSi si c'est un hasard. Ou si ça n'est pas un hasard, j'ai évolué à la faveur des jobs faciles à trouver. Bip itou !
Supprimerah la modestie de la violette
RépondreSupprimerUtilisée jadis pour soigner les maux de tête, l'insomnie et la mélancolie. La violette pour soigner la mélancolie, c'est joli, non ?
SupprimerPudeur, sensibilité ... belle rencontre humaine. Merci pour ce partage. Toujours agréable
RépondreSupprimerMerci à toi d'être passée par ici et au plaisir de partager encore mes histoires.
SupprimerPoète, va ! ;-)
RépondreSupprimerFlatteur, va ;)
SupprimerLa violette, une fleur familière dont c'est bientôt la saison...
RépondreSupprimerTes billets sont des petites bulles de bonheurs.
J'aime bien les violettes sauvages que l'on cueille aux abords des sous-bois. Merci pour ta fidélité aux fraises et à la tendresse.
SupprimerDans le langage des fleurs, la violette est le symbole de la fidélité amoureuse... et une fois de plus tu nous montres ta fidélité à écrire des billets aussi doux et parfumés de sensibilité et de tendresse que cette petite fleur fragile, comme à chaque fois. Bravo. Laurent F.
RépondreSupprimerIl faut croire que je suis fidèle. Merci Laurent pour ton passage ici et j'attends avec impatience ta prochaine contribution ^^
SupprimerJe viens juste de me rappeler que je cueillais justement des petites violettes sur le chemin court qui menait entre chez mes parents et chez mes grands-parents... J'ai tjrs bien aimé ces petites fleurs...
RépondreSupprimerJ'ai tjrs bien aimé lire tes billets :-)
C'est beau ! Belle preuve d'émotions partagées.
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