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lundi

Ma mère en robe des champs




— Maman, quel âge j'ai ?
— 21 ans.
— Tu m'offres quoi pour mes cinquante ans ? 
— Des pommes de terre en robe des champs. 

Je me suis beaucoup interrogé. Fallait-il que je m'en ouvre sur ce blog ? Et si c'était pas ailleurs, ce devait être sur ce blog. Des semaines que ça me ronge. Que mon optimisme prend chaque jour un coup dans l'aile. Le diagnostic a fini par tomber comme un couperet. Ma sœur et moi ne cessions d'alerter le service, comment pouvait-on la laisser dégringoler sans chercher et vite comment l'en empêcher. On soignait le corps mais on négligeait le cerveau. Les troubles cognitifs, on verrait plus tard. Je vous passe les détails et les semaines de questions sans réponses, d'inquiétudes, d'angoisse, de stupeur, d'abattement. 

Lorsque j'ai lu le témoignage poignant de Laure (sur Insta) puis les commentaires de Cécile puis encore de Marie (sur Facebook), je me suis dit que ce billet (et les suivants) étaient légitimes. Surtout quand on sait que le tabou plane, le désespoir guette, et les personnes souffrant de dégénérescence du cerveau sont légion. 

Les maladies neurodégénératives touchent plus d'un million de Français !

Ce ne sont pas que Bruce Willis ou Michael J.Fox. Ou "les autres". C'est aussi ton père, ton oncle, ta tante adorée, un être cher qui tombe brutalement dans les affres de ces pathologies. 

C'est ma mère qui, ballotée de service en service, au détour d'une longue hospitalisation, se voit diagnostiquée atteinte d'une DFT (dégénérescence fronto-temporale), une maladie cousine d'Alzheimer mais qui ne touche pas les mêmes zones du cerveau. 

Elle qui, à 75 pimpantes années au compteur, rendait visite à son amie Martine il n'y a pas si longtemps, au terme d'un petit kilomètre cinq cent à pied. Qui s'occupait de ses poules, matin et soir. De son chat, de son jardin potager, de sa maison. Allait au marché, conduisait sa voiture, rendait visite à ses sœurs en Dordogne. Appelait presque quotidiennement sa sœur Janine pour débriefer à propos de leurs feuilletons favoris. Tout ça et bien davantage, c'est fini.

En attendant qu'une place se libère dans un établissement adapté (traduire, attendre le décès d'un autre résident), ma sœur (à son chevet) et moi-même (via WhatsApp pour le moment) lui apportons un peu de réconfort, des cerises de son jardin, nous bricolons des morceaux de solutions parce que nous n'avons ni l'information, ni les ressources, ni l'aide la plus minimale, nous cherchons sur internet, prenons contact avec des associations (France DFT pour n'en citer qu'une).

Je m'accroche, bouleversé, à un sourire que m'offre ma mère, aux mots si fragiles, si fugaces, qu'elle prononce hier, tout à trac, la voix nouée par l'émotion : 

— Je suis heureuse. 


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Le titre de de billet en forme de poésie du désespoir fait écho à ce qu'aime (entre mille autres choses) ma mère, les patates, qu'elles soient frites, rissolées, écrasées, vapeur. Ma mère que je surnomme parfois, pour la taquiner, madame Patate. 

La photo qui illustre ce billet, des fleurs dans le champ de patates cultivées par ma mère.


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La suite : 



26 commentaires:

  1. Oh fluke ! :(
    Je ne peux que te faire un gros câlin virtuel. Et vous souhaitez à tou.te.s beaucoup de courage, de patience et d’abnégation sur cette longue et triste route des maladies neurodégénératives…

    (Contexte similaire avec Parkinson de mon côté, alors si tu as besoin de parler, n’hésite pas à envoyer un message… hugs+kiss)

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  2. Bricoler des morceaux de solutions, comme c'est inadmissible de lire cela. Laurent, à défaut d'agir, nous, communauté des fraises, te soutenons.

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    1. merci <3 je ne pouvais pas ne pas écrire ce billet, elle est prise en charge dans une unité spécialisée pour un court moment avant d'être "placée" mais même au sein de cette unité, aucune aide nous est proposée et quand on pose des questions, on nous rétorque : "vous êtes du corps médical ?"

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    2. c'est bon, les pommes de terre en robe des champs, avec une chouillette de beurre salé ! miam !
      blague à part, il n'y a pour le moment aucun moyen de soigner la dégénérescence cognitive, quelle qu'elle soit. mais il est vrai que les structures qui accueillent les patients sont peu adaptées, car comme le reste de la santé en France, laissées pour compte. je compatis à ton chagrin de voir ta maman s'éloigner. je te bise !!!!

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    3. Merci 😘 les aidants de ce million de malades sont très souvent leurs proches, leur famille. Ça fait du monde qui rattrape l'incurie des institutions.

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  3. Ha mais pourquoi il m'appelle anonyme ????

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  4. Beaucoup de courage et de force à toi et à ta sœur. Et c'est joli que ta maman dise qu'elle est heureuse.

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  5. Avoir ce courage de le dire : "Je suis heureuse"... Et toi de le retranscrire... C'est puissant, et courageux... [Ervé]

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    1. Oui, ça nous a sciés hier. Alors qu'elle n'a pas mis les pieds ni le nez dehors depuis 3 semaines, qu'elle n'a pas conscience de la pathologie qui l'afflige, dire ce qu'elle dit nous a coupé les pattes. Merci Ervé pour tes mots.

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  6. Oh, Laurent ! Je suis terriblement désolée. Des pensées tendres et beaucoup de courage.

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  7. Toutes mes pensées. Accrochez vous aux bons moments, il y en aura encore beaucoup malgré ce terrible diagnostic.

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  8. Une immense compassion pour toi et ta famille. Mon papa est en plein dans Alzheimer, lui qui était si tchatcheur si fier et pétillant a maintenant du mal à aligner deux mots, il n'arrive plus à lire et écrire...ma douleur est intense de le voir ainsi et d'être aussi impuissante. Les médecins aussi sont impuissants....
    Alors je te serre fort fort, la douleur est là. Il ne nous reste plus que à accueillir ces mots, ces moments et à les chérir....

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    1. Merci Fannoche ❤ suis triste aussi pour toi, ton papa. Comme j'ouvre brutalement les yeux sur ces maladies (forcément ça touche quelqu'un de très proche, ma mère à la derive, après mon père atteint de Parkinson notamment), je découvre que ça touche tellement de gens.

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  9. Je suis attristée d'apprendre la maladie de votre maman. Je n'ai malheureusement aucune notion sur cette maladie je ne peux que vous apporter mon soutien virtuel à ce que vous vivez. Courage il doit bien exister des associations pour les aidants afin de vous accompagner.

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    1. Nous prenons les infos partout où l'on peut, internet étant la + pratique, et celle où j'ai appris l'existence de France DFT. Merci Muriel pour ton gentil message.

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  10. Toutes mes pensées très solidaires. Ici c'est mon homme que ses presque 82 ans perturbent passablement, perte de mémoire immédiate et perte de mobilité et d'allant. D'après médecin et neurologue ce n'est pas la maladie d'Alzheimer; c' est une forme de sénilité. Pour moi le plus difficile est de devoir tout décider seule tout en continuant à l'associer sans le tracasser.... Heureusement deux de mes enfants sont proches et l'aîné nous rejoint aussi souvent que possible. Ils sont un soutien appréciable. Te sachant géographiquement éloigné de ta maman je devine combien ce que tu vis est difficile. Courage. Je t'embrasse fort.

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    1. Si ma vie n'était pas à Marseille, je serais beaucoup plus présent et actif (mec, boulot, appart, difficile de tout chambouler). J'y retourne fin juin pour une petite huitaine. Courage à toi pour ton homme, également. Merci pour tes pensées 😘

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  11. Plein de câlins, pour toi, pour elle, pour vous et de force au quotidien.
    Ma mère a survécu à un AVC mais depuis c'est tellement la galère, j'espère pouvoir partir du jour au lendemain sans être malade avant...
    Bises +++

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    1. C'est le souhait de chacun et c'est hélas un vœu pieux car nos corps se dégradent avec l'âge et nous ne sommes pas tous égaux devant la maladie. Je te souhaite évidemment je me souhaite d'y échapper. Bisous 😚

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  12. Aurélie (ancienne collègue Parisienne)

    Je comprends ce que tu passes, en pleins dedans mais plus avancé.
    Profiter des moments avec ta maman...
    Je t'envoie pleine de bonnes ondes positives pour le moral.
    Force à toi.

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    1. Merci Aurélie <3 je t'envoie également une brassée d'ondes positives et un peu d'air marin d'ici

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