Quand la vie est trop courte pour râler ou s'acheter des fleurs demain, j'invite le lecteur à s'émerveiller des petites choses. Dans les sillons creusés par l'inattendu ou le hasard, je sème les graines d'un regard humain, parfois mordant, et compose régulièrement un bouquet de rencontres ou d'échanges piquants, insolites, simples.

jeudi

Ouvrez, ouvrez la cage aux oiseaux


Comme le tournesol qui suit, imperturbable, la course du soleil, je me poste côté jardin le matin puis côté rue l'après-midi. Il est dix heures et j'observe, depuis l'ombre, le soleil qui baigne les baies vitrées de l'immeuble en face. 1, 2, 3, 4e étage, une dame sirote son café, elle alterne entre les touches de son clavier d'ordinateur et la cigarette qui patiente sur une soucoupe. Un grillage tendu de gauche à droite et de haut en bas empêche les pigeons d'aller souiller son balcon. C'est du moins, j'imagine, la raison d'être du grillage. Une perruche passe devant elle et ricane. Qui de la dame ou de l'oiseau est en cage pour une fois ?

C'est côté rue que je jauge la file d'attente à la supérette d'en bas, que je contemple le bout de mer qu'il m'est donné de voir, l'Estaque, les viaducs que je devine, un bateau de croisière à quai, en carafe.

À droite de la dame confinée derrière les mailles de son grillage, l'appartement mitoyen a cloisonné son balcon de baies vitrées, une jeune femme y fait un brin de ménage, point de rideau pour cacher sa tenue, un t-shirt ample, une culotte fuschia. À droite encore, le monsieur en robe de chambre chocolat porte à son tour ses lèvres à son café. Ses étendoirs sont vides de linge, pas une plante pas une fantaisie. Il a peut-être réservé sa main verte à la façade côté mer qui m'est cachée, qui sait. Au-dessus de lui, une dame blonde au pull rouge à pois blancs se démanche le cou pour distinguer l'hélicoptère qui vrombit au loin.

Les absents au balcon dorment encore, télé-travaillent, étudient à distance ou s'emploient là où ils doivent, là où ils peuvent.

De mon côté, rue ou jardin, je lis, j'écris, je réfléchis, je joue avec Louise, 9 ans, qui me propose à l'instant et à 600 kilomètres de distance à vol d'oiseau une partie de bataille navale. Touché, coulé.


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Note : Le titre du billet fait référence à la chanson de Pierre Perret (lien)
Le journal de bord dans sa continuité → Journal tendre d'un confiné

8 commentaires:

  1. mais c'est vrai ça, qui est en cage actuellement?

    chouette réflexions du balcon

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    1. Un peu d'air et hop un billet. Nous sommes en cage et les oiseaux sont peinards !

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  2. Souvenir de la pub avec Vanessa Paradis en cage qui se balançait...
    Grand calme devant mes fenêtres, même plus d'avion dans le ciel.
    Bonne fin de journée

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    1. Ah oui, j'adorais cette publicité. Le calme avec du soleil n'est pas désagréable (mon petit doigt me dit que tu as beau temps). À toi aussi, bonne fin de journée, la bise.

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  3. Je suis très "bien" confinée mais hormis des chats qui ne sont pas à moi, je n'ai personne à observer... je crois que j'y passerai du temps si j'avais vue sur des balcons ou des cours...

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    1. La ville a ça de bon qu'elle offre à contempler. Je me perdrais facilement dans la contemplation quotidienne de ton camélia. Bises Carole.

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  4. j'ai mis de graines un peu plus longtemps pour les petits piafs qui partagent avec les pigeons, ils n'ont pas beaucoup à grignoter avec le vide des trottoirs , les petits piafs parisiens chantent et discutent sur le bord de la fenêtre
    bises ma poule

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    1. Avec le confinement, on réécoute les bruits de la nature en ville. Les piafs sont libres, eux. Bisous ma poule. Bises à ton coloc :p

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