Quand la vie est trop courte pour râler ou s'acheter des fleurs demain, j'invite le lecteur à s'émerveiller des petites choses. Dans les sillons creusés par l'inattendu ou le hasard, je sème les graines d'un regard humain, parfois mordant, et compose régulièrement un bouquet de rencontres ou d'échanges piquants, insolites, simples.

jeudi

Après-midi en absurdie



Confinement Saison 2 — jour 21. Armé d'une autorisation de déplacement dérogatoire, j'ai pris mon vélo pour aller acheter une salade à 760 mètres du domicile. La frisée lavée et consommée avec les restes de pizzas maison, mon homme est passé dans la pièce à côté pour travailler*, j'ai rejoint mon amie Claire place Sébastopol pour inaugurer notre book club hebdomadaire sur un coin de banc public. Mobilier rare et prisé que reluquaient avec envie les p'tits vieux du quartier venant y poser leur âme confinée, le banc a accueilli une conversation à bâtons rompus entre deux ex-Parisiens venus chercher le soleil dans la cité phocéenne. Je tends à mon amie un café à emporter et lui dis en substance : est-ce que dans tes rêves les plus fous, tu aurais imaginé ça ? Masqués, à chercher un point de rendez-vous à l'extérieur, un banc public pour y occuper une heure de temps autorisée par décret ? Confinement, déconfinement raté, vrai-faux re-confinement, pas un jour ne passe sans que je sois frappé par l'énormité de ce que nous vivons. Nous entrechoquons nos gobelets de café et nous autoproclamons, non sans ironie, elle présidente et moi trésorier de ce mini-club de lecture qui nous réunit aujourd'hui. Calés au soleil, face à une terrasse de café où chaises et tables ont été empilées, cadenassées, flanqués d'une camionnette Pizzas Charly bardé du slogan "elles me fendent le cœur", nous échangeons Tiffany McDaniel chez Gallmeister contre Aki Shimazaki chez Actes Sud (Babel en poche), nous commentons l'actualité, nous rions quand je signale la vente autorisée par décret des sapins de Noël, nous évoquons les articles prétendument essentiels. Faute de pouvoir acheter en magasin des boules de Noël pour orner le sapin acheté en click and collect à partir de demain, nous pouvons en revanche miser sur les boules du Loto ; les points de vente de la FDJ resteront ouverts "quoi qu'il en coûte". Claire et moi revenons à nos moutons, moins polémiques, moins désespérants et plus prompts à offrir des voyages immobiles à foison, les livres, et nous donnons rendez-vous sur un banc public la semaine prochaine. 


* Rappelez-moi de vous raconter les deux perles savoureuses qu'il m'a confiées ce midi autour de la frisée.

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Billet extrait du Confinement Saison 2. Page (onglet) → Journal tendre d'un confiné

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