Quand la vie est trop courte pour râler ou s'acheter des fleurs demain, j'invite le lecteur à s'émerveiller des petites choses. Dans les sillons creusés par l'inattendu ou le hasard, je sème les graines d'un regard humain, parfois mordant, et compose régulièrement un bouquet de rencontres ou d'échanges piquants, insolites, simples.

jeudi

Réceptionniste avec vue

La Dune du Pylat vue depuis le Cap Ferret — photo © collection personnelle

 

J'ai souvent envisagé mon passe-temps de réceptionniste d'hôtel sous un jour totalement incongru ou accessoire. Comme il ne s'agissait au départ ni d'une passion ni d'une vocation — j'ai commencé ce métier la nuit pour payer mes cours de théâtre à Paris le jour —, j'y ai trouvé l'occasion de bayer aux corneilles quand le chaland se faisait attendre, d'absorber langoureusement le rayon de soleil qui me faisait un clin d'œil le matin, en réception, d'écrire pour raconter mes perles d'hôtelier — dans un château en Dordogne, la nuit, dans un trois, quatre ou cinq étoiles à Trocadéro. Attention, je travaillais, aussi. J'accomplissais volontiers les tâches pour lesquelles je percevais un salaire. J'offrais parfois à certains employeurs ou clients indélicats ma plus belle ironie, ma seconde peau, l'armure* pour me prémunir des coups bas, des litiges. Le plus clair de mon temps, je côtoyais une clientèle courtoise voire adorable. Puis une fois, une directrice parfaite pour une parenthèse enchantée à Saint-Germain-des-Prés.

Lorsque j'étais las d'un employeur, je partais en quête d'un nouvel hôtel où poser ma personne. Je me renseignais à propos de la réputation de tel établissement, de tel gérant, je lisais en diagonale les avis de clients contents ou mécontents et j'en déduisais une ligne directive, une cohérence dans le traitement des clients et des employés. Je devinais aussi à qui j'avais à faire lorsqu'un appel téléphonique ne m'inspirait pas confiance. À la faveur d'un entretien d'embauche sur l'avenue marseillaise du Président JFK, je me projetais, je m'imaginais accoudé à cet avant-poste* qu'est la réception, avec vue plongeante sur l'horizon, la Méditerranée. Il y a pire, avouez, comme lieu de travail qu'un comptoir avec la mer à perte de vue. L'idée avait fait son chemin pendant les deux mois où la directrice "Talent et culture" (sic) m'avait promené. L'offre avait avorté. Pas rancunier pour deux sous, j'ai repris mes recherches et fini par trouver l'équipe qui me tient compagnie depuis trois ans maintenant. 

Avant que je ne m'installe à Marseille, j'avais caressé l'idée de travailler à Arcachon — alors fief de ma meilleure amie. Elle et moi avions bâti des châteaux en Espagne et imaginé passer nos vieux jours dans la même maison de retraite, à rire des mêmes blagues potaches, à ressasser les mêmes mèmes des Nuls, à écouter Bowie en cachette de l'infirmière pour elle, à écrire des billets de blog sur les farces faites aux résidents pour moi. Avant l'EPHAD, la retraite et avant la retraite, un contrat dans un des beaux établissements du Bassin.

À l'hôtel de charme Ville d'Hiver ou à la Co(o)rniche adossée à la plus haute dune* d'Europe, arrimée entre sable et pinède. À la Co(o)rniche, j'avais songé poser ma candidature pour... des pauses café, des pauses déjeuner, des pauses contemplation les pieds dans le sable avec vue sur le banc d'Arguin aux contours flottants, sur la pointe du Ferret, sur le Bassin d'Arcachon, sur l'Océan Atlantique. Des pauses rêvées en échange de mon temps et de mes compétences. Mais j'ai préféré jouer au client et me prélasser en compagnie d'amis, de cocktails et d'une vue époustouflante.


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