C'est enfoncés dans un confortable canapé en cuir marron que le petit et moi-même regardons passer le temps à travers l'immense verrière du gîte où nous avons élu domicile pour le week-end. Des moutons de mousse verdoyante ont colonisé la toiture d'une dépendance qui jouxte un lilas encore étonnamment vert. Tout est encore très vert pour un mois de novembre. Les rouges-gorges jouent à cache-cache dans les haies. Les cyclamens sauvages se prélassent au pied du cyprès. Tandis que je sirote un verre de merlot, les premiers cols des Cévennes nous narguent au loin. Nos pas ne nous porteront pas très loin, une promenade au village, une petite marche sur un chemin vicinal, des emplettes.
Nous sortons néanmoins de notre cocon à plusieurs reprises. Comme le supermarché est fermé — c'est jour férié —, nous glanons quatre emplettes à la supérette. Je garde le chien à l'entrée, suggère à ma moitié de retenir la courte liste de courses par un moyen mnémotechnique, généralement les premières lettres ou syllabes et dans l'ordre alphabétique : Julie Raya. Ju, li, ra, ya. Jus de fruits, liquide vaisselle, râpé, yaourts. Il me raconte ensuite l'air soupçonneux du caissier qui l'a vu tendre son poignet pour caler sa montre connectée sur le TPE pour le paiement sans contact.
Le lendemain, samedi, au vide-grenier où nous glanons trois babioles, la vendeuse ne répond pas à nos sollicitations. Elle est sourde. La bienheureuse n'entendra donc pas le vacarme qui agite le village : une kermesse aux 4x4 et leurs adeptes qui roulent des mécaniques pendant trois jours. Un modeste rassemblement devant le distributeur de billets, une guirlande de messages complotistes, un panneau à la gloire d'un médecin déchu, des citations de grands auteurs qui seraient bien en peine de valider l'usage qu'on fait aujourd'hui de leurs aphorismes. Des églises évangélistes dans la commune promettent des lendemains pas très gays.
Devant le supermarché, ouvert cette fois-ci, un père agacé dit à son adolescent de fils : "Mets le doigt dans tes fesses ! Mets le doigt dans tes fesses, je t'ai rien demandé." La petite sœur se bidonne.
Envisageant de nous installer — quand nous aurons les économies
suffisantes et que les poules auront des dents, probablement —, nous
tranchons : pour vivre heureux, vivons cachés. Et pour le moment,
retournons au gîte, écoutons le murmure de la nature qui nous enveloppe.
Les bois environnants, le confort du gîte, la gentillesse de nos hôtes, le feu de bois qui crépite dans le poêle.
Nous retournons une dernière fois au bourg et faisons un crochet par chez la Chieuse. La façade de sa maison, de son garage, son petit carré de jardin, sont ornés de panneaux qui avertissent le voisin ou le passant égaré : la dame a de l'auto-dérision mais n'est pas commode. L'an passé, elle nous avait raconté comment elle avait usé du taser pour neutraliser un intrus, elle l'avait même séquestré jusqu'à l'arrivée des gendarmes.
Et au milieu coule le Gardon.
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J'ai publié 15 photos dont les panneaux de chez la Chieuse : ici 👈
nature ,douceur et poésie .le plaisir de choses toutes simples .comme toujours chez l'auteur ,rappelle que le bonheur n est pas un Graal impossible à atteindre,il suffit d'ouvrir les yeux et retrouver l'essentiel .
RépondreSupprimerMerci Anonyme, ça me va comme résumé 😁
SupprimerSi si, les épisodes cévenols font parfois des ravages dans le coin, hélas. Bœuf bourguignon, voilà qui donne faim 😋
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