Quand la vie est trop courte pour râler ou s'acheter des fleurs demain, j'invite le lecteur à s'émerveiller des petites choses. Dans les sillons creusés par l'inattendu ou le hasard, je sème les graines d'un regard humain, parfois mordant, et compose régulièrement un bouquet de rencontres ou d'échanges piquants, insolites, simples.

dimanche

Navets, cannelés et polenta !

L'ombre du R qui illustre le billet précédent

Dimanche. 14h et des poussières de pollen. C'est presque un jour comme un autre. Accoudé au balcon côté jardin, je poursuis l'observation paresseuse de mes voisins. Assise sur un coin de murette, une mère a posé une ribambelle de sacs, des bouteilles, un gros camion jaune en plastique et un tube de bulles de savon dans lequel elle puise de quoi émerveiller le plus petit de ses enfants. Sur l'immense terrasse en béton de l'immeuble d'à côté, une table de ping-pong résonne du silence des balles qui n'ont pas heurté sa surface depuis belle lurette.
En attendant la fin du confinement pour jouer avec ses invités éparpillés, la jeune locataire se dore la pilule sur une serviette de plage rose ornée de flamants jaunes.

41 jours de confinement, 4 romans dont 2 coups de poing (La Vraie Vie d'Adeline Dieudonné, Né d'aucune femme de Franck Bouysse), une multitude de films et de séries (Unorthodox, À Couteaux tirés, This is us, Deux moi, Tales from the Loop) et beaucoup de navets (Mon inconnue, Mon chien stupide, The Dead Don't Die duquel je sauve les apparitions de Iggy Pop « Café ! » ou de Carol Kane « Chardonnay ! »). 41 jours que j'ai regardés passer comme la vache regarde défiler les trains, stoïque. Je n'ai vu du pays que dans mes lectures et les films que j'ai vus. Je me suis souvent frappé le front d'effarement devant la pandémie de bêtise, qu'elle soit le fait de puissants ou de badauds. J'ai préféré me noyer dans l'admiration béate de mon homme qui agrémente ou invente des recettes, muffins salés de polenta aux olives et au thon ou cannelés à la feta. Qui replante les barbes de poireaux pour en faire de nouveaux. Qui bouture à foison. Qui dépanne en douze minutes et à distance une collègue quand une équipe de techniciens met deux heures pour échouer.

De mon côté, je fais les courses, je sors les poubelles, j'écris « entrez bonne compagnie » aux craies de couleur sur une ardoise, je jette Vavache à Kimberley et je baye aux corneilles.


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Le journal de bord dans sa continuité → Journal tendre d'un confiné

12 commentaires:

  1. "C'est un jour comme un autre pour tous ceux qui ne télétravaillent pas." Moins que tu crois... Et peut-être pas pour les raisons que tu imagines. Je suis désolé, je suis obligé d'être long pour argumenter.

    1. Beaucoup de télétravailleurs ont malgré tout été obligés de prendre des congés (pour ma part 4 demi-journées par semaine).
    3. Un type comme moi bosse un peu tous les jours (les 25 heures de travail que j'ai à faire sont étalées sur 7 jours, j'en fait moins le week-end, évidemment).
    3. En temps normal, avec le trajet, le boulot m'occupe 10 heures par jour. J'en suis à la moitié.
    4. J'ai l'habitude d'aller au bistro : le dimanche est un jour comme les autres en confinement, je ne vais pas au bistro.

    La vraie différence porte sur la vie sociale qu'on a au bureau vu qu'on a des audios avec des gens que l'on ne peut pas faire le samedi et le dimanche. A contrario, du lundi au vendredi, on passe plusieurs heures au téléphone, donc on n'appelle pas les potes, ce qu'on fait le week-end.

    Réfléxion intéressante néanmoins. Faire du télétravail est évidemment un avantage : ça occupe quand on ne peut pas avoir de vrais loisirs et on continue à gagner du pognon... Mais je n'avais jamais réfléchi au fait que le non télétravailleur n'ayant pas la même vie sociale pour le boulot, ne voyait pas la coupure du week-end.

    Cela étant, j'ai discuté avec beaucoup de non télétravailleurs : beaucoup s'occupent en travaillant tous les jours, en se forçant au moins trois heures par jour (ce qui n'est possible, évidemment, que si tu as une maison, un jardin, un bistro,... : on ne va pas repeindre trois fois nos appartements). Ils ont donc un rythme plus proche du mien que des non télétravailleurs en appartement...

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    1. Grâce à toi, je me suis relu et corrigé. En fait, ma formulation était incomplète et j'avais beau la retourner dans tous les sens pour calquer ma réalité, ma phrase était moche. J'aurais en fait voulu écrire : pour tous ceux qui comme moi ne télétravaillent pas et sont au chômage partiel. Tu vois, c'est moche.

      Zette avait fait un très bon papier sur le télétravail qu'elle connaît et pratique depuis bien longtemps http://zetteandthecity.org/confinement-teletravail-nest-ni-ce-que-vous-croyiez-ni-ce-que-vous-voyez/

      Merci d'avoir pris le temps de partager ton point de vue sur le télétravail. À bientôt en Visio-KDB :-)

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  2. Laurent,
    Ton message aujourd'hui me donne quelques larmes aux yeux...
    Courage ! Le jour d'après est celui que nous construisons déjà maintenant.
    Des bisous tout particuliers de réconfort...
    Ben

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    1. Salut Ben, je n'avais pourtant pas prévu de larmes dans ce billet. Merci de ta visite émue et pour tes bises de réconfort. Les mêmes en retour :)

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  3. Bonheur du jour, ma fille est venue nous voir, avec des gants, un masque et on ne s'approche pas, mais on a bu du thé , elle m'a fait un mail pour que je me fasses rembourser du salon de l'aiguille en fête, trop compliqué pour moi avec 3 copies d'écrans avant que la date pour le faire soit passée, je lui ai donné des bacs pour planter ses tomates cerises et un fraisier, j'ai pensé à toi , et elle m'a acheté des chaussons dont j'avais besoin dans son magasin , on déguste des petites choses qui nous semblaient sans importance
    bises à vous 2 ma poule et prenez soin de vous

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    1. Salut ma poule, oh la la, le fraisier que tu m'avais offert pour mes 40 ans, tout ça ne nous rajeunit pas. Suis bien content de ces petites choses partagées avec ta fille. Le confinement n'est pas facile pour tout le monde et je vous imagine tous les deux, empêchés de faire vos longues et sympathiques marches dans Paris. Courage + bisous à vous 2 itou.

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  4. C’est vrai qu’à chacun de tes billets on est « entrez bonne compagnie » et qu’on n’a plus envie d’en sortir

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    1. Je vois que tu as compris le jeu de mots :-) Merci de tes gentils compliments et de tes visites ! Bonne semaine à toi.

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  5. L'admiration d'un amoureux c'est quand même le best ! sur les 3 films dont tu parles, j'ai bien aimé Mon inconnue mais pas les deux autres, surtout l'immense déception pour le Jarmusch...

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    1. Le film de Jarmusch, c'est un film potache à savourer comme un film de série Z, sans plus. J’ai lu que c’était surtout un prétexte pour faire tourner les copains et se faire un peu d’argent.

      Je retourne à l’admiration de ma moitié qui est prépare je ne sais quoi en cuisine. Bises, Carole

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  6. Le casting fait d'autant plus regretter que notre Jim n'ait pas songé à un scénario .. continue à préférer la bonne compagnie ! :-D

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    1. Oui, rien de bien original dans ce scénario, si ça n'est l'enlèvement (grotesque) de Tilda Swinton par les extraterrestres.
      Quant à la compagnie, je suis plutôt regardant :-)

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