Sur la route qui me conduit du boulot à mon domicile, j'observe, j'écris dans ma tête ces bribes de vie qui se dressent sur mon chemin.
À deux pas de la clinique vétérinaire, dans un élan de tendresse, il se penche au-dessus du chien et l'embrasse comme du bon pain.
Un car régional nous dépasse. Il affiche ZOU !
Des voitures ont marqué l'arrêt. Une dame grimpe précipitamment à bord du véhicule gênant qui re-démarre en trombe. Un sac à main blanc se jette à mes pieds et vomit son contenu. Craignant que les automobilistes derrière moi n'écrasent téléphone, papiers et petites sacoches, je fais signe aux gens de patienter encore, le temps que je rassemble les effets de la propriétaire du sac fugitif. Elle accourt, me remercie vite fait et trotte encore. Pressée.
Même endroit, le lendemain. À croire que cette portion de chaussée déconcentre les passants qui s'y aventurent. Une dame traverse sans un regard vers le sens de la circulation. Je l'interpelle. Gentiment.
— Il faut regarder avant de traverser, madame.
— Oh pardon, j'avais la tête ailleurs, dit-elle, calmement.
— Si vous vous faites renverser par une voiture, ça, vous aurez la tête ailleurs.
Elle rit.
Planté sur le trottoir, les yeux sur le conteneur en l'air qu'il téléguide au-dessus du gros camion garé en double file, le monsieur qui collecte le verre à recycler a conquis l'attention du môme, au 6e étage en face, sur la pointe des pieds et les mains agrippées à la rambarde du balcon. Ce gamin songe peut-être aux machines à grappin* dans les fêtes foraines où l'on attrape jamais aucune peluche.
Un message de mon mec me tire de ma contemplation :
— Suis dans le tram. Un gars, la cinquantaine, assis en face de moi parle tout seul. Il s'adresse à la Reine des Neiges. "Il faut sauver le royaume. Brise tes chaînes. Laisse échapper ta colère." Il chante (faux) :
Libéré, délivré
C'est décidé, je m'en vais
Me voilà
Je suis là
Libéré, délivré
Le froid est pour moi le prix de la liberté
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Et le tour est joué. Elle est pas belle, la vie ?