Pages

Quand la vie est trop courte pour râler ou s'acheter des fleurs demain, j'invite le lecteur à s'émerveiller des petites choses. Dans les sillons creusés par l'inattendu ou le hasard, je sème les graines d'un regard humain, parfois mordant, et compose régulièrement un bouquet de rencontres ou d'échanges piquants, insolites, simples.

vendredi

La tête ailleurs

 

Sur la route qui me conduit du boulot à mon domicile, j'observe, j'écris dans ma tête ces bribes de vie qui se dressent sur mon chemin. 

À deux pas de la clinique vétérinaire, dans un élan de tendresse, il se penche au-dessus du chien et l'embrasse comme du bon pain. 

Un car régional nous dépasse. Il affiche ZOU !

Des voitures ont marqué l'arrêt. Une dame grimpe précipitamment à bord du véhicule gênant qui re-démarre en trombe. Un sac à main blanc se jette à mes pieds et vomit son contenu. Craignant que les automobilistes derrière moi n'écrasent téléphone, papiers et petites sacoches, je fais signe aux gens de patienter encore, le temps que je rassemble les effets de la propriétaire du sac fugitif. Elle accourt, me remercie vite fait et trotte encore. Pressée.  

Même endroit, le lendemain. À croire que cette portion de chaussée déconcentre les passants qui s'y aventurent. Une dame traverse sans un regard vers le sens de la circulation. Je l'interpelle. Gentiment.

— Il faut regarder avant de traverser, madame.

— Oh pardon, j'avais la tête ailleurs, dit-elle, calmement.

— Si vous vous faites renverser par une voiture, ça, vous aurez la tête ailleurs.

Elle rit.

Planté sur le trottoir, les yeux sur le conteneur en l'air qu'il téléguide au-dessus du gros camion garé en double file, le monsieur qui collecte le verre à recycler a conquis l'attention du môme, au 6e étage en face, sur la pointe des pieds et les mains agrippées à la rambarde du balcon. Ce gamin songe peut-être aux machines à grappin* dans les fêtes foraines où l'on attrape jamais aucune peluche.

Un message de mon mec me tire de ma contemplation :

— Suis dans le tram. Un gars, la cinquantaine, assis en face de moi parle tout seul. Il s'adresse à la Reine des Neiges. "Il faut sauver le royaume. Brise tes chaînes. Laisse échapper ta colère." Il chante (faux) :

Libéré, délivré

C'est décidé, je m'en vais 

Me voilà 

Je suis là 

Libéré, délivré

Le froid est pour moi le prix de la liberté



---

* Pourquoi vous perdez toujours aux machines à pinces ?

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Un commentaire, ce peut être un coucou, une amabilité, un point de vue divergent, un trait d'esprit, un signe de votre passage.

Pour celles et ceux qui n'osent pas (je ne mords pas) ou n'y parviennent pas, c'est tout simple :

1) Tapotez votre bonjour dans le formulaire de saisie ci-dessous
2) Sous Choisir une identité, cochez Nom/URL
3) Saisissez votre nom (ou pseudonyme ou si vous êtes timide le nom de votre cousine) après l'intitulé Nom
4) L'URL ne désigne pas l'Uto-Rhino-Laryngologie mais bien le lien d'un blog ou de n'importe quoi d'autre que vous jugerez bon d'accrocher à votre identité, la page Wikipedia de Sheila par exemple ; ou rien.
5) Cliquez sur Publier commentaire

Et le tour est joué. Elle est pas belle, la vie ?