Quand la vie est trop courte pour râler ou s'acheter des fleurs demain, j'invite le lecteur à s'émerveiller des petites choses. Dans les sillons creusés par l'inattendu ou le hasard, je sème les graines d'un regard humain, parfois mordant, et compose régulièrement un bouquet de rencontres ou d'échanges piquants, insolites, simples.

mercredi

Bye bye Twitter

 


Tout le monde (une niche, un microcosme) en parle. J'y vais aussi de ma bafouille. Elon Musk voudrait couler l'entreprise emblématique qu'il ne s'y prendrait pas autrement. Ça lui a pris comme l'envie de 💩. Changer définitivement le nom de l'oiseau bleu en X. Hisser une gigantesque enseigne lumineuse au sommet du siège californien en dépit de règles élémentaires dont il se dispense volontiers, chantre du libertarisme qu'il est. Donner au réseau social le nom de sa lubie bancaire. Sans oublier de remercier les 2/3 du personnel. Les journalistes n'en peuvent plus d'ajouter "rebaptisé Twitter" lorsqu'ils évoquent X dans un article. La sauce ne prend pas. L'application plonge au tréfonds du classement des apps les plus téléchargées. Musk se reprend et ajoute, à l'arrache, "anciennement Twitter". Il déclare envisager un accès payant. Une modique somme pour l'aider à lutter contre les robots (Gif du lapin de six semaines qui affiche une moue dubitative).

Je ne donnerai pas un centime à cet olibrius. Non parce qu'il est imbécile. Son tweet sur Kikalaplusgrosse entre lui et Zuckerberg n'est qu'un exemple parmi tant d'autres. Plutôt parce qu'il est dangereux : sans parler de ses prises de position pour le moins problématiques, il offre une plateforme débridée à la haine en ligne, il facilite la propagation de tweets racistes, homophobes, conspirationnistes.

J'ai tweeté pendant 15 ans. J'ai échangé, papoté, me suis écharpé, rabiboché, ou pas. J'y ai fait de belles rencontres, des amitiés. J'y ai aussi glané de la visibilité pour ce blog. Je m'y suis informé. 

Mais la coupe est pleine. Plus d'une fois, je me suis surpris à vouloir donner des coups de pelle à la volée. À lever les yeux ci-haut d'agacement qu'ils manquaient sortir de leurs orbites. À désespérer de la bêtise humaine, navré de voir les gens se taper dessus à coup de tweets pour imposer leur inébranlable point de vue. Désabusé face à ceux qui harcèlent et aboient le plus fort et en meute.Tout ceci facilité par le modèle économique choisi par Elon et ses gens.

Je ne suis pas naïf. L'herbe n'est pas forcément plus verte ailleurs. Mais j'ai choisi de ne plus me salir les yeux, les mains et le cerveau en fourrageant dans la boue, pour ne pas dire la merde, pour y trouver les pépites, les bonnes nouvelles, la légèreté, le dialogue, la nuance et, osons le mot, la bienveillance. 

Pour conclure ce billet d'humeur, je copie-colle (je fais ce que je veux, c'est mon blog) les mots que m'avait confiés la très vieille dame à l'arrêt Paulette :

 — Il ne faut pas dire des méchancetés sur les gens. Il faut se mordre la langue plutôt que de dire du mal. Le mal, il sort de votre bouche et il abîme le monde. Il faut être bienveillant, et se mordre la langue quand on veut dire du mal, répète-t-elle en fixant sur moi ses yeux d'un bleu clair qui ont vu quatre-vingt-quinze ans de gens, d'histoires et de choses.

 

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* Illustration : cliché pris sur le parvis du Mucem à Marseille, fin août 2023 ; le message de @uncoeurdeplus tombe à pic. 

* Si vous n'avez pas testé Bluesky, l'alternative gratuite pour le moment sans pub et sans algorithmes qui puent des pieds, et que ça vous chante d'essayer, bien sûr, j'ai des codes d'invitation 🎁 

* Mon compte Bluesky 👈

vendredi

Un Ricard sinon rien !

cliquez sur la photo pour agrandir l'image (selon votre navigateur)


Rue George, dans le 4e arrondissement de Marseille, sur le mur jaune fatigué de l'immeuble mitoyen qui abrite le bar tabac Le Flash et le fameux Royaume de la Chantilly, une inscription rageuse, à la peinture rouge : UN RICARD SINON RIEN ! Un slogan conclu par un point d'exclamation parce que les majuscules ne suffisaient probablement pas. Un passant impassible. Un pigeon au-dessus du C de Picard et du rideau à fer entrouvert. 

La rime riche ne vous a pas échappé. 

La poésie de l'ivrogne empêché de s'abreuver de la boisson marseillaise ? 


samedi

Le bras dans le ventre du girafon

 


Une dame en robe rouge lit un quatrième de couverture. 

Une autre en sandales, le bras dans le ventre du girafon, cherche un peu de lecture.



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Figures connues des Marseillais, la girafe Zarafa et son girafon Marcel (utilisé comme borne de dépôt et d'échanges de livres) trônent fièrent en haut de la Canebière, face à l'Artplexe (complexe cinéma, bar, resto). L'œuvre des plasticiens du collectif ABC (Art Book Collectif) fait référence à la girafe offerte à Charles X par Méhémet Ali. Zarafa est la première girafe à être entrée en France, où elle a vécu pendant dix-huit ans, de 1827 à 1845, dans la ménagerie du Jardin des Plantes à Paris. (Source : Wikipedia)




jeudi

Un café, une tulipe et des algues pour rire

Je m'extrais doucement, à pas de loup, de mon environnement, je laisse le café tapisser mes neurones de ses augustes molécules, je reste sourd aux borborygmes de mon collègue qui chougne continuellement. J'ai chaussé le casque-micro qui me relie aux clients qui pourraient appeler à l'aide pendant que j'écris ce billet. Je songe à la tulipe qui ornait ce mur à l'angle des boulevards National et Longchamp. Tulipe de papier collé, streetart éphémère par nature, que j'avais photographiée courant août. Les occupants de l'immeuble que j'imagine, à tort peut-être, réfractaires à la poésie l'ont recouverte de peinture. Il reste le souvenir que la fleur a imprimé chez le passant, il reste les clichés qui illustrent la fin de ce billet.

Je passe du coq à l'âne et de la tulipe aux algues, à la photo que mon amie biarrote vient de publier sur le réseau de Mark. Elle se prélasse sur une plage d'Ibarritz et le fait savoir. Je commente :

– Ton rocher, tes pieds, la vie. 

– Il ne manque que toi pour me faire rire.

– Avec des algues en guise de cheveux devant tous les badauds.

La belle plage basque est alors secouée par le fou rire soudain de mon amie. Elle rit toute seule mais en distanciel avec moi. Elle se souvient du plus bel effet qu'avaient produit les longues algues humides, visqueuses, sur mon crâne chauve. Des regards médusés ou goguenards posés sur nous alors que nous rejoignions le parking, imperturbables (plus moi qu'elle qui pouffait de rire tous les trois mètres).

La légèreté qui fait parfois cruellement défaut tient à pas grand-chose, à une tulipe en papier collée sur un mur, à des faux cheveux pour rire.





mardi

Carnet d'un cinéphile (1)

Très très bavard sur les réseaux (y compris Bluesky*, l'alternative à Twitter qui atteint bientôt ses 1 million d'utilisateurs), j'oublie que la source, pour moi, c'est ici. C'est ici que je consigne mes idées, mes pensées, mes projets. Ce que je peux partager, en tout cas. J'ai choisi de mettre en sourdine ma tendance à l'auto-censure. Je m'empêchais d'écrire ici (même succinctement) à propos des films vus ou des séries picorées. D'autres le font. Mieux. À leur façon. Je vais le faire, à ma façon. Sans chichi. Pour mémoire, aussi. Avant Internet, je noircissais un "carnet du cinéphile" qu'on m'avait donné. J'y listais tous les films que j'allais voir en salles. J'y accolais des étoiles de 1 à 5. 

Aujourd'hui dans mon carnet du cinéphile, j'ajoute la Palme d'Or 2023, Anatomie d'une chute de Justine Triet et le film ovni de Quentin Dupieux, Yannick.



Anatomie d'une chute
La salle était pleine comme un œuf. Le film devrait atteindre facilement le million** de spectateurs et je m'en réjouis. D'abord parce que le film est excellent, ensuite parce que ça cloue le bec aux polémistes en carton et à la ministre de la culture en balsa qui avait voué aux gémonies Justine Triet, suite à son discours à Cannes. Bref. J'ai été totalement happé par l'histoire. On sait que c'est du cinéma et pourtant on croit que tout est vrai. Beaucoup de choses à dire, sur la maîtrise du sujet, de l'intrigue et de ses méandres, sur les non-dits, sur le doute qui plane, sur l'interprétation parfaite (tous les acteurs, tous, sont impressionnants de vérité), sur le procès, captivant. Les Inrocks écrit (écrivent ?) : un chef d'œuvre. On en est pas loin. 



Yannick
J'avais beaucoup aimé Incroyable mais vrai de Quentin Dupieux (avec Alain Chabat, Léa Drucker, Benoît Magimel), film loufoque et étonnant. J'aime rien tant que d'être étonné, justement. Je l'ai été par Fumer fait tousser, le film suivant, farce à sketches que je n'ai pas du tout mais pas du tout aimé. Je me suis quand même laissé tenter par Yannick. Le format est court (1h10), la forme s'en tient au huis-clos (le théâtre et ses coursives). Le propos est génial, les dialogues, des pépites. L'acteur Raphaël Quenard est bluffant dans son personnage de spectateur dépité. Si vous ne l'avez pas vu, je vous laisse découvrir cet ovni, au cinéma ou depuis votre canapé dans quelques mois. C'est drôle, cocasse, étonnant, bien écrit, tout ce que j'aime. 

« Quelqu’un s’est tué à écrire des dialogues et ton boulot, c’est de partir à la chasse à la grâce ou à la poésie avec ça. Et quand ça marche, c’est une bulle de poésie qui éclate. » – Raphaël Quenard dans Society (n° 213)



Vous avez vu quoi de bon, récemment au cinéma ?


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* Si vous êtes sur Bluesky, je suis @monsieurfraises.bsky.social je reste un peu sur X (ex-Twitter que Melon Musk ne cesse d'abîmer), tant que c'est encore respirable. Bluesky est en mode bêta et on y accède sur invitation. À quand l'ouverture des portes au public ? Pour le moment, les codes d'invitation sont distribués au compte-gouttes, 1 tous les 10 jours. Si ça vous chante, envoyez-moi un mail à monsieurfraisesarobasegmailpointcom et je vous donne un code 🎁 (j'en ai 2). See you there !

** À titre de comparaison, la Palme d'Or 2022, Sans Filtre (The Triangle of Sadness) du génial Ruben Östlund (président du jury de Cannes qui a donné la récompense ultime à Justine Triet) a récolté 569 650 spectateurs*** entrées en France. 


À propos de Yannick, je valide totalement l'analyse de Nipette → sur son blog (spoiler alert)

MàJ 27/9 : 
Anatomie d'une chute a réalisé 1 078 000 entrées
Yannick 428 000, un beau succès si l'on considère le nombre de salles (bien bien moindre que les têtes d'affiche) accordées au film 

Le banc de la Salette

Le long du chemin de la Salette qui serpente sur les hauteurs du 11e arrondissement de Marseille, des villas avec vue aux dimensions indécentes, des piscines en veux-tu en voilà, des chantiers privés qu'on devine en dehors des clous, une église totalement en ruines, un sentier qui longe d'un côté une pinède et de l'autre un golf 18 trous, des canards goguenards qui lorgnent sur les balles blanches que des sportifs en goguette ont propulsées dans leur mare artificielle, un banc en bois peint qui agonise. Le banc ne doit sa survie qu'aux rochers auxquels on l'a arrimé. 

Sur les planches de bois vermoulu est écrit au marqueur indélébile : 

Pourquoi rester debout lorsque l'on peut s'asseoir ?

Pourquoi rester assis lorsqu'on l'on peut s'allonger ? 

(Dicton des fatigués de naissance)


 


dimanche

Plouf sur la Côte Bleue

 

J'ai pris cette photo à Niolon, à une petite demi-heure de Marseille que l'on distingue au loin. On y accède soit en voiture soit en train grâce au TER de la Côte Bleue depuis la gare Saint-Charles. Il est un peu avant midi, il n'y a pas foule. Quelques minots qui battent des bras et des jambes avant de faire plouf, des habitants mêlés aux estivants, un parasol bariolé sur lequel nous avons lorgné, le front dégoulinant de sueur. J'ai nagé avec bonheur jusqu'aux bouées qui tiennent à distance les bateaux (trop nombreux à mon goût). Puis nous avons cherché un peu d'ombre au coin d'une rue. Nous avons siroté un diabolo grenadine, le petit a bu de généreuses lappées dans le bac à glace plein d'eau fraîche dépêché par le serveur. On a roulé des yeux comme des billes devant la gentillesse, la simplicité du personnel. Ah c'est pas sur la Côte d'Azur qu'on aurait eu les mêmes égards (et les mêmes prix dérisoires) : on nous a accordé une table qui était déjà réservée et dressée, les convives étaient allés se baigner mais nous avions bien le temps de nous désaltérer. Si Marseille et ses alentours rebutent tant de gens peu soucieux de gratter le vernis ou de renoncer aux clichés, nous ne nous lassons pas de ses trésors, sans chichi, modestes et pourtant merveilleux.


mardi

Des nouvelles du front

j'ai cueilli des fleurs de chez ma mère pour embellir sa chambre
 
Au téléphone, je raconte à ma mère la récente rencontre de mon mec avec la voisine du 5e.

— Il est bizarre votre chien.
— Pourquoi vous dites ça ?
— Parce qu'il hurle le soir.
— Vous devez confondre avec votre fils.

Ma mère éclate de rire. Elle va étonnamment mieux. Et c'est un soulagement. Le diagnostic posé par les médecins ne s'est pas évaporé comme par magie, hélas. On parle toujours de DFT (dégénérescence fronto-temporale), une saloperie cousine d'Alzheimer. Mais elle est apaisée. Par chance, ma sœur lui rend visite tous les jours à l'EHPAD. L'emmène déjeuner chez elle, organise la venue des ses sœurs depuis la Dordogne voisine et le déjeuner en famille chaque fois que c'est possible. Elle lit, joue à la belote, prend son chat ou ses poules dans les bras. Et la vie du bon côté (je sais de qui tenir).

Je ne lui ai pas relaté ma courte entrevue avec sa voisine de chambrée qui, lorsque je faisais ma première visite de l'établissement, m'a présenté son chat empaillé. On aurait dit un vrai chat, dans une posture alanguie, mais avec des pupilles de jouet en peluche, des moustaches synthétiques, des coussinets en coton. Elle a dû lire dans mon regard l'incrédulité car elle m'a dit : il est vivant, vous savez ! 

Ma mère nous raconte qu'elle a vu le loup ce matin, au réveil. Façon de parler. Un résident s'est campé sur le pas de la porte de sa chambre, le service trois pièces à l'air. Elle le rabroue cordialement. Il passe son chemin. Il n'y est pour rien, nous dit-elle, il est malade. 


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mercredi

Une courge dans le placard


Après le choc, c'est déjà l'heure des accommodements.

Moi qui ai toujours été fervent amateur du théâtre de l'absurde (Jean Tardieu, Samuel Beckett, René de Obaldia pour ne citer que les auteurs les plus connus), je ne m'attendais pas à être ainsi confronté à l'absurde, comme des coups de poings du réel déglingué mâtinés de poésie. D'incessants allers-retours entre le drame que vit ma mère et l'incongruité de certaines situations, de certains dialogues. Ma mère hospitalisée qui insiste pour faire de l'accrobranche avec sa sœur Janine. Ou qui se fait gifler par un collègue d'infortune, un voisin de chambrée. Vérification faite auprès du personnel soignant, il y a bien eu gifle la semaine dernière. Par un résident anglais qui s'immisçait hier dans la conversation, malgré lui. La porte de la chambre de ma mère n'était pas fermée à clé. Il voulait faire pipi. Ma mère n'y voyait pas d'inconvénient, elle l'y autorisait. Allez savoir pourquoi. No, get out, I don't speak English, rétorquait ma sœur à l'intrus par ailleurs britannique de naissance et peu disert en français. J'étais témoin de l'échange lunaire en visio via Whatsapp. Ma sœur et ma mère étaient sorties du champ, je les entendais parlementer puis fermer la porte avant de reprendre nos échanges décousus du jour. 

Quand ça n'est pas l'Anglais, c'est une voisine, tel un coucou, qui s'incruste et s'assied sur le lit de ma mère. 

On n'est pas au bout de nos surprises...


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Illustration : chez elle début mai, je cueillais des fraises puis une rose de son jardin pour les lui apporter à l'hôpital. Je ramassais aussi les œufs des poules de son potager. Toutes choses quotidiennes, essentielles, agréables, auxquelles elle n'a plus accès. Alors que le personnel soignant naviguait encore à vue, je découvrais des colis reçus mais pas ouverts, sous l'évier de la cuisine, ou encore, une courge dans le placard.

Billet 1 : Ma mère en robe des champs

Billet 3 : Des nouvelles du front


lundi

Ma mère en robe des champs




— Maman, quel âge j'ai ?
— 21 ans.
— Tu m'offres quoi pour mes cinquante ans ? 
— Des pommes de terre en robe des champs. 

Je me suis beaucoup interrogé. Fallait-il que je m'en ouvre sur ce blog ? Et si c'était pas ailleurs, ce devait être sur ce blog. Des semaines que ça me ronge. Que mon optimisme prend chaque jour un coup dans l'aile. Le diagnostic a fini par tomber comme un couperet. Ma sœur et moi ne cessions d'alerter le service, comment pouvait-on la laisser dégringoler sans chercher et vite comment l'en empêcher. On soignait le corps mais on négligeait le cerveau. Les troubles cognitifs, on verrait plus tard. Je vous passe les détails et les semaines de questions sans réponses, d'inquiétudes, d'angoisse, de stupeur, d'abattement. 

Lorsque j'ai lu le témoignage poignant de Laure (sur Insta) puis les commentaires de Cécile puis encore de Marie (sur Facebook), je me suis dit que ce billet (et les suivants) étaient légitimes. Surtout quand on sait que le tabou plane, le désespoir guette, et les personnes souffrant de dégénérescence du cerveau sont légion. 

Les maladies neurodégénératives touchent plus d'un million de Français !

Ce ne sont pas que Bruce Willis ou Michael J.Fox. Ou "les autres". C'est aussi ton père, ton oncle, ta tante adorée, un être cher qui tombe brutalement dans les affres de ces pathologies. 

C'est ma mère qui, ballotée de service en service, au détour d'une longue hospitalisation, se voit diagnostiquée atteinte d'une DFT (dégénérescence fronto-temporale), une maladie cousine d'Alzheimer mais qui ne touche pas les mêmes zones du cerveau. 

Elle qui, à 75 pimpantes années au compteur, rendait visite à son amie Martine il n'y a pas si longtemps, au terme d'un petit kilomètre cinq cent à pied. Qui s'occupait de ses poules, matin et soir. De son chat, de son jardin potager, de sa maison. Allait au marché, conduisait sa voiture, rendait visite à ses sœurs en Dordogne. Appelait presque quotidiennement sa sœur Janine pour débriefer à propos de leurs feuilletons favoris. Tout ça et bien davantage, c'est fini.

En attendant qu'une place se libère dans un établissement adapté (traduire, attendre le décès d'un autre résident), ma sœur (à son chevet) et moi-même (via WhatsApp pour le moment) lui apportons un peu de réconfort, des cerises de son jardin, nous bricolons des morceaux de solutions parce que nous n'avons ni l'information, ni les ressources, ni l'aide la plus minimale, nous cherchons sur internet, prenons contact avec des associations (France DFT pour n'en citer qu'une).

Je m'accroche, bouleversé, à un sourire que m'offre ma mère, aux mots si fragiles, si fugaces, qu'elle prononce hier, tout à trac, la voix nouée par l'émotion : 

— Je suis heureuse. 


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Le titre de de billet en forme de poésie du désespoir fait écho à ce qu'aime (entre mille autres choses) ma mère, les patates, qu'elles soient frites, rissolées, écrasées, vapeur. Ma mère que je surnomme parfois, pour la taquiner, madame Patate. 

La photo qui illustre ce billet, des fleurs dans le champ de patates cultivées par ma mère.




jeudi

De bave et d'herbe fraîche




Sur le trottoir à quelques pas du boulot, je manque écrabouiller l'escargot. S'il comptait ainsi mettre fin à ses jours, c'est raté. Je m'accroupis, saisis la petite chose frêle et la dépose sur la murette qui le mènera s'il n'est pas trop bête vers le terrain vert et vague où il coulera de baveux jours.

lundi

J'ai testé BeReal

 

au boulot !
 

Avertissement. Je tutoie le lecteur. 

J'aurais pu poster la photo de mon héroïne de ce lundi. Elle qui, miracle, n'a pas jeté son mégot sur la voie publique, qui s'est servi de son cendrier de poche, qui a ramassé la chiffonnette de mon voisin de tram et lui a même offert un sourire. Tout n'est pas perdu, hein. Je ne l'ai pas photographiée parce que 1) je n'avais pas encore reçu la notification BeReal (je vous explique après ce préambule) 2) je photographie très rarement les gens sans leur consentement.

C'est quoi BeReal ?

C'est français, c'est l'anti Instagram où presque tout est léché, retouché, formaté. C'est le nouveau réseau social qui monte, chez les ados, surtout. Comme je n'ai pas beaucoup grandi, je m'amuse à tester ce nouveau joujou. Mes 3 nièces, Alice, Lucie, Louise, qui ont respectivement 20 ans, 17 ans, 13 ans, en sont adeptes. 

Je savais que ça te plairait, m'a dit l'amie Élodie

Les moins jeunes comme Élodie, Nicolas, Frédéric, Batolde ou moi-même, sommes curieux (oisifs ?) et jouons le jeu.

BeReal. Sois vrai, sans filtre, en direct, sans mise en scène. Des notifications aléatoires, jamais à la même heure, qui te proposent de déclencher l'obturateur de ton téléphone : deux photos en une, le selfie côté pile, et côté face, l'espace, le paysage ou les gens devant toi. Les publications ont une durée de vie en ligne limitée : 24h. 

* 1ère alerte ce matin. Je dispose de 2 minutes pour saisir un instantané, sans chichi, sans mise en scène, sans retouche. Les 2 minutes sont écoulées ? Trop tard, l'instantané devient un "late". La photo ne te plaît pas ? Tu la refais, le nombre de reprises apparaît sur ta publication. Le défi consiste à capturer ces morceaux de vraie vie dans les 2 minutes imparties. Le défi est relevé ? Tu as droit à 2 autres instantanés dans ta journée. Tu ne l'as pas relevé ? C'est pas bien grave : ta photo en retard ou reprise reste ta seule contribution du jour. Le jeu reprend le lendemain. 

* Tu peux néanmoins réagir et/ou commenter les publications de tes abonnés. L'intérêt c'est aussi et surtout de jeter un œil fureteur et complice aux images, au quotidien de tes abonnés.

* L'émoji est fait maison. Tu prends une photo d'une réaction : tu lèves le pouce ou tu arbores une expression ahurie ou hilare ou encore tu façonnes un cœur avec les doigts. 

Au bord du burnout, je poste une photo des dosettes en aluminium jamais recyclées, une autre de la mare de Coca dans le bac à légumes. Je dépose enfin un 🥰 sur la photo d’Élodie qui erre comme une âme en peine dans le couloir ou un 👍 à la bière de circonstance postée par Nicolas ou un 😍 envieux sur le selfie piscine de Lucie à 14:00:22 

 

samedi

C'est le oaï !


La bêtise des gens m'agace puis m'amuse. Parce qu'une fois le constat d'échec et d'impuissance posé, il faut en rire, à défaut d'en pleurer et/ou de frapper de rage ses congénères. Le sentiment d'impunité qui anime de nombreux·ses automobilistes est effarant. Le respect le plus élémentaire des règles de vie en société est une abstraction totale : l'autre est considéré comme un empêcheur de tourner en rond, un obstacle à leur médiocre petit confort. Ceci dit, je sais où l'on peut trouver les milliards utiles pour reconstruire les services publics : dans le porte-monnaie de ces hurluberlus —puisque la pédagogie et l'éducation ont échoué. 

En bas de l'immeuble, ce matin, c'est le oaï ! Preuve à l'appui, la photo qui illustre ce billet. 

Voici une demi-heure que C et D ne peuvent sortir du parking de l'immeuble. C klaxonne. Derrière C, D klaxonne itou. En vain. Les propriétaires de A et B se tartinent la gaufrette des rendez-vous urgents (ou pas) que peuvent avoir C et D. Entre temps, E, F et H stationnent sauvagement et empêchent d'autres véhicules de vaquer à la suite de leur samedi. Puis la conductrice de G, animée par une envie pressante de mozzarella (qui sait) à la supérette, se gare sur la chaussée. Ça passe crème, se dit-elle. Remercions-la d'actionner ses warnings 🤣 Le chauffeur du car ZOU que vous ne voyez pas sur la photo est parti faire des pâtés de sable, il n'a pas pu faire sa manœuvre pour se faufiler par I (l'entrée du garage des cars ZOU). E, F, G et H lui font obstacle. 

Pour conclure, les badauds honnissent la conductrice B qui finit par surgir d'on ne sait où. Enfin, surgir, non. Elle flânoche. Elle balaie d'un revers de main les reproches de C à bout de nerfs. B fait une marche arrière et reprend la route sous les huées des spectateurs. Un gars passablement aviné court après la voiture et jette le café allongé de son gobelet sur le pare-brise de B qui actionne ses essuie-glaces.

Tiens, ça me fait penser au film Enragé avec Russell Crowe : une querelle entre deux automobilistes qui se poursuit en une course mortelle. 

Et vous, votre samedi ?



jeudi

David est tartignole

 

On me chuchote que le David au bout du Prado est tartignole*. C'est pas faux. Mais pour les Marseillais, il est incontournable. Enfin, si, on le contourne puisqu'il se pavane au centre d'un rond-point. On le contourne par la gauche pour atteindre Borély ou la Pointe-Rouge ou encore la Madrague de Montredon où j'ai conduit l'amie Élodie, récemment, entre deux averses. Ou par la droite pour rejoindre le bas de la Corniche côté Roucas-Blanc (chez les riches) où je me rendais ce matin. J'ajoutais ma microscopique pierre à l'édifice des JO, pour la branche informatique, une dérisoire mais palpitante virgule logistique pour les répétitions générales qui se déroulent ce mois de juillet, un an avant le lancement des épreuves locales. 

Pour une quinzaine de jours, j'enfilerai un polo orné de Phryges aux yeux bleus et siroterai mon café avec vue mer Méditerranée. 


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* Tartignole : sot ou un peu ridicule ou laid. Non content d'être tartignole, Afida Turner est gênante

Merci Arbrav pour l'idée du titre de ce billet 😉👍🏻

vendredi

Les mystères de l'amour et la CIA

 


Extrait de la très courte vidéo qui illustre ce billet :

– Et. Le. Téléphone que tu m'as donné, tu es sûr qu'il ne peut pas être localisé par les flics ?

– Je l'ai acheté à un agent de la CIA (clin d'œil appuyé), ils savent faire là-bas.

– Ouais je sais. 

🤣

Aujourd'hui plus que jamais, j'ai besoin de légèreté. Hier, nous avons applaudi Alison Wheeler à l'Espace Julien, plein à craquer. Je suis fan d'elle, de son talent, de sa fraîcheur, de certains de ses sketchs qui font hurler de rire (j'espère mettre la main sur celui chez le caviste ou la babyshower* qui part en brioche, deux moments irrésistibles), de sa chanson Les coquillettes au beurre. Les dates d'Alison Rouleuse près de chez vous 👉 .

Je ris aussi face à la médiocrité consommée du feuilleton Les Mystères de l'Amour. J'ai retrouvé l'extrait plus haut dans mes souvenirs Facebook, mon mec l'a extrait du bousin (pas une mince affaire !). À ce propos, il faut que vous lui demandiez un nouveau tuto sur 👉 sa chaîne YouTube car il se fait désirer. Un tuto pour télécharger les vidéos YouTube en toute légalité, si si, je vous assure. C'est facile comme bonjour. 

Bref. 

Comme j'aime partager ce genre de pépite, la vidéo ci-haut, je la publie ! Tout est tellement mauvais (les dialogues, le jeu des acteurs et j'en passe) que ça frise le génie. 


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* Cette fête venue de chez nos amis anglo-saxons consiste à réunir les proches et à révéler le genre du futur bébé autour de jeux cucul la praline

** Pour mes 50 ans dans quelques semaines, vous pouvez vous cotiser pour m'offrir le livre Ma vie est mieux que la vôtre d'Alison Wheeler.